
Essayons d’imaginer ce que doit représenter ce moment pour un gamin sans trop de contrats, dans une passe plutôt mauvaise et avec un moral que l’on imagine guère flamboyant. Un lundi de Pâques pour Savalli, des arènes quasiment pleines et une corrida de Victorino Martín. Sur le papier c’est un peu un quitte ou double, ou une roulette russe. Je suppose qu’il y a mieux pour les nerfs.
Avant la course, qui aurait parié un kopeck sur Savalli ? Probablement personne et peut-être même pas lui. Les deux oreilles sont certes excessives. Mais le problème n’est pas là. Car prétendre disserter sur les oreilles arlésiennes (où nîmoises bientôt) est totalement inutile tellement elles ne signifient plus rien que des publicités sur Mundomachin. Alors se risquer à philosopher sur la question, autant aller prendre directement une corde et se pendre, sans autre forme de préambule.
La question, ça n'est pas les oreilles. Les aficionados devraient d’ailleurs militer pour la suppression totale de ces trophées aujourd'hui sans autres fondements que ceux de campagnes publicitaires à venir. La question c’est l’étonnement qui a été le nôtre de voir un Savalli à ce point concentré, méticuleux, et calme, suivi comme son ombre par Denis Loré, en apoderado que l’on devine anxieux.
Cela fait maintenant plus de quinze ans que je photographie les férias d’Arles, depuis la même place. J’ai donc pu observer, à loisir, un grand nombre de toreros attendre leur tour. J’ai rarement ressenti pareille tension, pareil échange entre un matador de toros et son apoderado.
Savalli est plaqué contre son burladero dans l’attente de son premier adversaire. Loré est juste derrière, à quelques centimètres seulement. Il lui parle, lui tapote l’épaule. A cet instant le poids de la responsabilité est plus que perceptible et impose le silence.

En ce qui concerne la « polémique » sur l’aspect effectivement défectueux de sa seconde estocade, la photo ci-contre confirme l’affalement du toro au moment où l’Arlésien y plonge son épée.
Pour ce qui est des Victorino, désolé mon cher Ludo, mais je suis là aussi en prise à des interrogations guère réjouissantes. De cette corrida bonsaï, bien faite mais vraiment fluette, je retiendrai essentiellement un manque d’allant et de puissance. Nous avons déjà pointé du doigt ici le glissement commercial des toros du sorcier, et ce malgré une caste indéniable. Chez Victorino c’est vraiment un minimum, car on attend logiquement autre chose et bien plus qu’un toro moderne de troisième tercio, fut-il encasté. Ojalá en sevilla y Madrid...
>>> Une galerie consacrée à la corrida de Miura est accessible depuis la rubrique RUEDOS du site.