Quand un homme ou une femme du monde des toros vient de s’en aller, la dépêche1 ne tarde pas à tomber comme un couperet. Elle commence toujours par « Fallece a los... » et les derniers mots qu’elle nous donne à lire finissent de résumer, souvent de manière expéditive, la trajectoire du défunt. Le 13 février dernier, je reçus la nouvelle du décès de la ganadera charra Amelia Pérez Tabernero — le 9 à 95 ans — avec une pointe de surprise. Je me répétais : « Amelia Pérez Tabernero, Amelia... ». Le nom me disait quelque chose mais, précédé de ce joli et doux prénom, il me parlait plus encore. « Amelia Pérez Tabernero, Amelia... » : où diable avais-je déjà lu ce nom ? À quelle histoire renvoyait-il ?
Quelques moments de réflexion et quelques « Amelia Pérez Tabernero, Amelia... » plus tard, refit surface un article de Jacques Durand consacré au grand Antonio Bienvenida ‘Antoñito’. La fin de ce beau papier en contait une autre, tragique : le 5 octobre 1975 à « El Campillo », ‘Conocida’, une vache d’Amelia, cueille et renverse Antoñito qui, les vertèbres brisées, « décède le 7. Son cercueil est porté en triomphe à Las Ventas. Les arènes sont pleines. » (J. D.).
« En mi concepto hay unas prioridades absolutas hacia el toro, con la clara intención de exaltar sus valores »
Ces mots sortis de la bouche sincère de Luis Francisco Esplá, Antonio Bienvenida aurait tout aussi bien pu les tenir. Sans doute les a-t-il tenus un jour... Bienvenida, Esplá, Esplá, Bienvenida : l’un, maître et père spirituel de l’autre, l’autre, disciple de l’un. Le toro et sa lidia pour objets d’étude. Las Ventas pour terrain d’expérimentation — avec près de 90 paseíllos à Madrid, Esplá est le matador en comptabilisant le plus grand nombre... derrière Bienvenida et ses 107 !
Selon toute vraisemblance, c’est à l’automne prochain que Luis Francisco Esplá tirera sa révérance à l’Afición madrilène. Il reste à souhaiter à cette dernière qu’il ne « ratera » pas sa sortie en la gratifiant d’un cartel aussi improbable et vulgaire que celui du 2 mai à Séville2 : toros d’El Pilar pour Esplá donc, accompagné de Manuel Díaz ‘El Cordobés’ et Javier Conde themselves ! Seulement, il y a fort à craindre qu’il en ira de même — à un ou deux détails de casting près —, Esplá l’ayant voulu ainsi tout en désirant, ce qui n’est pas la moindre de ses contradictions, rester « fidèle à 32 ans de toreo »3 ; trente-deux années au cours desquelles il aura dignement, et avec style, affronté tout ce que la planète des toros compte de combattants sérieux...
1 La plus « complète », celle de l’agence EFE.
2 Carteles de Sevilla (temporada 2009).
3 Conférence de presse d’Esplá (04.12.2008) où il présentait son nouvel et dernier apoderado — l’actuel gestionnaire de Las Ventas —, qui fut également son premier... La boucle est bouclée.
Images Article de Jacques Durand paru dans © Libération le 7 juin 2000, illustré d'une photo de Diego — quelle classe ce Bienvenida ! On clique et, si l’on veut, on lit... ● Lors de sa conférence de presse de décembre dernier (voir lien ci-dessus), Luis Francisco Esplá, au travers de cette inimitable mimique que nous lui connaissons tous, donne l'impression de prendre durement conscience que 2009 serait pour lui l’année de trop... et qu’il en est désolé © Manon