21 février 2009

Don Fernando Villalón


Quand en 2003 je poussai la porte de la Librería Rodríguez à Madrid, je demandai à l’aimable libraire si, par le plus grand des hasards, elle ne possédait pas une affiche d’une course annonçant des toros de Fernando Villalón1 (Séville 1881 – Madrid 1930). Alors que j’avais fini de poser ma question depuis un petit moment, elle me regardait toujours avec la bouche bée comme si elle avait affaire à un hurluberlu — Français de surcroît — lui réclamant dans un castillan incertain un truc pas pensable. Elle réfléchit, s’en alla dans sa remise, puis en revint un petit moment après satisfaite, quoiqu’un peu embarrassée. Elle tenait délicatement le précieux et (très) fragile sésame entre ses mains et semblait rechigner à m’annoncer les quarante-cinq euros qu’il m’en coûterait si j’escomptais repartir avec — il faut tout de même reconnaître que ça faisait un peu cher la feuille A4 presque aussi épaisse qu’une de papier à cigarette. Je réfléchis à mon tour un petit moment, avant de toper la main de la libraire — ou de l’embrasser, je ne me souviens plus très bien — pour lui signifier, dans un accès de générosité confinant à la stupidité, que le marché était conclu ! Apparemment incrédule, elle se saisit d’une échelle, entreprit son ascension et en redescendit un petit moment après avec, sous le bras, La Vida privada del toro de Salcedo, qu’elle se fit une joie de m’offrir. Ce qui eut pour effet mécanique — outre de me faire plaisir — de ramener l’affiche à un prix plus raisonnable et de me sentir un peu moins idiot… Finalement, tous ces « petits moments » finirent par en former un grand.

Au sud de Séville à El Cuervo, Fernando Villalón l'original élevait de farouches toros aux yeux bien noirs2 marqués de la « A » de Adalid3. Non loin du Guadalquivir et de sa Marisma, Rocío de la Cámara élève, sur les terres rachetées en 1924 par son grand-père au poète ganadero, surtout des chevaux, mais aussi des Núñez « défraîchis » qui portent leur croix4...

1 De son vrai nom Fernando Villalón-Daoiz y Halcón, comte de Miraflores de los Ángeles... En cliquant sur ce lien, vous trouverez quelques photos de cet attachant personnage.
2 Au sujet de cette histoire récurrente d’un Villalón « recherchant » des toros aux yeux verts (bétail acquis en 1926 par Juan Belmonte), lire le bas de la page 2 (et la suite en page 3) du texte « Fernando Villalón, el amigo desconocido de Pablo Neruda » de Pedro Gutiérrez Revuelta. Celui-ci y cite, entre autres, Manuel Halcón (Séville 1900 – Madrid 1989), cousin de Fernando Villalón et auteur de Recuerdos de Fernando Villalón, Poeta de Andalucía la Baja y ganadero de toros bravos, Sucesores de Rivadeneyra, Madrid, 1941.
3 Au moins jusqu'en 1915, date à laquelle Villalón élimine le bétail d'Adalid pour le remplacer par des bêtes achetées à Don Eduardo Olea, d'origine Villamarta, dont le fer est actuellement celui de Samuel Flores (Gamero Cívico, pur Parladé). Rajout effectué suite à la précision apportée par Oselito dans son commentaire.
4 Cf. post de Florent.

Images Mes compétences de conservateur étant limitées, l’affiche est passée du vert au gris en l'espace de 5 ans ! Fer de José Antonio Adalid in Jacques Issorel (Édition, introduction et notes), Fernando Villalón, Poesías completas, Cátedra/Letras Hispánicas, Madrid, 1998, p. 33. Universitaire spécialiste de Villalón, Jacques Issorel lui a consacré sa thèse d’état : Fernando Villalón ou la rébellion de l’automne, Université de Perpignan, 1988. Détail de la page 36 de l’ouvrage Luis Fernández Salcedo, El Toro Bravo, Ministerio de Agricultura, 2° éd., 1993.