Ils sont finalement sortis et ils sont morts, les six. Et la mémoire passera vite sur cette novillada de La Quinta. Ils étaient attendus, doublement. Parce que ce sont les La Quinta et parce que c’est Roquefort et puis aussi parce qu’il pleuvait gras le 25 mai dernier. Bref, pour faire rapide, ce fut une course intéressante. Il est bien ce mot, on peut y cacher tant de choses quand c’est un peu le flou. Intéressant, ça signifie aussi que ce ne fut pas ennuyeux, loin de là même. C’est le style de course qui ressemble à un livre intelligent. Ça casse les idées toutes construites, ça interroge, ça agace parce qu’on n’avait pas pensé à cette idée ou à cette façon de percevoir et d’analyser les choses, ça intrigue et ça fait fonctionner le cerveau. Donc c’est bien. Comme un livre intelligent, ce lot de La Quinta ne peut se résumer en une expression bien sentie ou en un mot. De prime abord, le seul terme qui vient est « desigual ». Un lot très desigual mais l’origine Buendía de ces novillos pouvait le laisser prévoir. Certains étaient clairement marqués par une dominante asaltillada comme le gris troisième, d’autres rappelaient plus la ligne ibarreña des Santa Coloma, tel ce sixième tout mignon. Un lot disparate donc mais c’est un point difficile à reprocher au regard de cette lignée. Ce ne furent pas non plus les La Quinta de Bilbao, les têtes n’étaient pas terrorrrrrifiques, loin s’en faut. Et si beaucoup avançaient l’argument que « quand même, on est à Roquefort ! », ben oui, justement, il ne s’agit que de Roquefort, placita landaise sérieuse mais placita finalement (avec tout le respect que j’ai pour cette plaza). Parce qu’il s’agit de Roquefort, certains attendent une présentation hors du commun et extra-ordinaire. Vous me direz que c’est la rançon du succès. Peut-être. Mais il est agréable aussi de constater que hier, les novillos sont sortis avec un type d’armure respectant leur origine, sans excès, sans exagération. Au second novillo de la course, un spectateur en mal d’affirmation a hurlé « pitones de mierda ». Les petites cornes, ça énerve. Et parfois, franchement, c’est dommage parce qu’il aurait gueulé ça au premier, au quatrième ou au cinquième, j’aurais compris. Là non. Il aurait gueulé ça à ces trois toros, j’aurais compris parce que leurs cornes étaient sacrément escobillées, laides et clairement très abîmées. Et ça, c’est bien plus grave pour la réputation de Roquefort. Plus grave qu’une présentation desigual, plus grave que des cornes moyennes et qu’un gabarit parfois réduit. Mais il n’a plus gueulé une seule fois.
Un lot desigual et de physiques variés avec certains exemplaires paraissant amaigris, il faut bien l’avouer. Peut-être que le séjour de un mois à "La Chassagne" chez les frères Jalabert, ainsi que la multiplication des transports, n’a pas arrangé deux ou trois bichos. La polémique qui agitait certains aficionados au sujet d'une présentation indigne de Roquefort me surprend et me laisse penser que le lieu influence beaucoup notre jugement de manière générale. Certes, deux ou trois n’étaient plus totalement « préparés » pour cette novillada mais aucun n’a fait honte à son sang. Ils étaient typés Santa Coloma-Buendía, chacun à sa manière, prouvant par là même qu’un sang ne se résume pas à un seul physique ou à un seul comportement. Et d’ailleurs, le physique n’est pas non plus garant de trapío. Ainsi, en voyant sortir le sixième, l’un des plus petits de l’envoi, un negro à petite tête, j’ai repensé à une chronique de Joaquín Vidal sur des Coquilla tout petits mais de grand trapío. Ce sixième, peu ou pas applaudi à son entrée en piste, avait pourtant une harmonie physique qui s’alliait parfaitement au type de sang qu’il représentait. Et il avait en plus cette pointe de vivacité dans l’œil et dans ses réactions qui faisait qu’il en imposait beaucoup en piste. C’était un novillo con trapío, ce que n’était pas par exemple le cinquième, peut-être le plus armé (quoique très abîmé), mais mal construit avec un arrière-train mal développé et une allure voûtée et sans grandeur. Un novillo sin trapío. Alors, au final, sans prétendre avoir assisté à un spectacle majeur, je me dis que ce n’était pas si mal et je me dis cela sans avoir l’impression de me contenter du « moins mal ». Je me dis cela car ce lot de « petits » novillos avait du pep’s et l’envie de combattre. La caste était visible, parfois très mal exploitée, parfois assassinée bêtement et lâchement, parfois mauvaise, parfois niaise, parfois piquante… Elle était là... Ecrite comme dans un livre intelligent.
Photographies 6ème novillo de La Quinta, Roquefort 2008 © Camposyruedos
J'ai bien aimé la chronique écrite par Velonero sur son blog : L'oeil contraire.