08 mai 2007

Chicuelinas


La dernière Féria d'Avril a été une fois encore l'occasion de constater dans quel triste état se trouve le tercio de varas. Nous avons suffisamment insisté ici sur la façon lamentable dont les piques sont administrées pour que, en tout cas pour l'instant, il ne soit pas utile d'y revenir.

Mais le premier tiers, c'est aussi, ou plutôt cela devrait également être celui des quites. Or pour revenir au dernier cycle abrileño qui a pris fin récemment, force nous est de constater que les quites ont quasiment disparu. Dans l'étendue non seulement de leur utilité, mais aussi, de façon plus blâmable, du répertoire des toreros.

Si l’on déplore souvent la décadence de la suerte de varas, on n’insiste pas suffisamment sur l’un de ses déplorables corolaires : la disparition des quites. D’une part parce qu’ils n’ont plus d’utilité directe, et d’autre part dans la mesure où il convient désormais d’économiser le peu de forces qu’il reste au toro (le plus souvent « décasté ») après avoir subi le monopuyazo assassin. Car en effet, quand les piques étaient pratiquées correctement, et à des adversaires susceptibles de les encaisser, les matadors se devaient d’intervenir au quite, de préférence en tentant de briller à cette occasion ; et ce qui à l’époque d’avant le peto revêtait une importance avant tout pratique dans le cadre de la lidia, devint un élément artistique qui constitua très vite l’un des éléments les plus recherchés des spectateurs. Quel bonheur cela devait être de voir chacun des trois matadors alternant sortir le taureau du cheval, offrir un quite au public pour le replacer ensuite en vue de la puya suivante !

Sur une bonne douzaine de corridas (on ne m'en voudra pas d'avoir fait l'impasse sur certaines courses), le nombre de quites différents qu'il m'a été donné de voir se compte sur les doigts d'une seule main, et encore.

En revanche, pas un jour sans voir exécuter, avec plus ou moins de bonheur, la désormais sempiternelle chicuelina. Elle nous a été servie chaque après-midi et à toutes les sauces, le plus souvent sans saveur ni brio.

Sans nécessairement remonter au temps de Pepe Luis Vázquez, ni à la competencia entre Diego Puerta et Paco Camino, est-il possible aujourd’hui de citer des maestros s’étant particulièrement illustrés dans cette partie de la lidia moderne ? Les derniers de cette catégorie sont sans doute Luis Francisco Esplá, Joselito et El Juli, auxquels on pourrait ajouter Enrique Ponce, les jours où celui-ci se trouve en compétition sérieuse sur ce terrain (impossible d’oublier, pour ceux qui ont eu la chance de la voir, la fameuse corrida de Samuel Flores du 23 mai 1996, à l’occasion de laquelle José Miguel Arroyo et Enrique Ponce nous offrirent, sous l’œil de Francisco Rivera Ordóñez, un merveilleux combat de quites). Mais le premier étant en préretraite, le deuxième à la retraite et le dernier ayant renoncé à son toreo de cape sémillant, c’est devenu le désert.

Jusqu’à l’arrivée du prochain messie, nous allons donc devoir encore bailler longtemps devant les chicuelinas.