Il aurait pu devenir empereur. Un seigneur au centre de ses femmes, menant de rudes alcôves dans son "palais de derrière"*. Un empereur, tout simplement... à la mode chinoise. Il aurait pu revenir en maître chez lui, dans son gynécée cárdeno, "bien plus important que celui du commun des mortels" évidemment. Et Moraleja, si proche dans le soleil levant, se serait muée en un "employé au pinceau rouge" pour tenir au secret cette vie sexuelle drapée d’encinas. Au lieu de ce rêve extrême-oriental, 'Borgoñés', toro de Victorino Martín lidié à Séville le jeudi 19 avril 2007, au soleil couchant (c’était un signe), n’aura connu que les promesses violentes d’une mort mutilée.
Il lui a fait couper les roubignoles ! Promis juré, c’était écrit le vendredi 20 avril dans le Diario de Sevilla et ce fut même confirmé sur certains sites d’information taurine avec lesquels fricote le ganadero : "Creo que ha sido muy semejante a 'Murciano', por su forma de embestir y de humillar, por eso hemos recogido los testículos para ver si es posible padrear. Ha sido un toro muy importante y la gente lo ha visto, se ha crecido en la embestida y ha humillado magníficamente. Esta es una de las tardes que uno sueña como ganadero". Eunuque 'Borgoñés', à titre posthume mais eunuque ! Il y a mieux pour un toro de combat mais la modernité dans laquelle il ne peut y avoir de marge d'erreur rattrape le campo et tue les aléas qui en faisaient le piment.
Comme un citron du Levante, on va le presser jusqu’à la dernière goutte pour en extraire la "substantifique moelle", celle des bons toros, pour en faire un père de l’ailleurs.
Car, oui, 'Borgoñés' fut un bon toro qui montra classe et répétition dans les profonds derechazos de Manuel Jesús 'El Cid'. Dès sa sortie, le public sévillan a compris que ce toro serait du sucre glace pour assaisonner le gâteau de fête de la quatrième porte du prince du maestro de Salteras. La tête plonge bas dans le rose, s’étire pour accrocher ce tissu qui s’échappe sans fin. 'Borgoñés' a tout de suite montré qui il était, comme c’est souvent le cas chez les bons Victorino Martín. C’est au troisième tiers que l’Albaserrada révéla ses grandes aptitudes à charger un leurre bien conduit. Le Cid n’a même pas eu besoin de cadrer l’animal tant tout coulait de source. Au long des séries, surtout droitières, 'Borgoñés' chargeait inlassablement, sans vice, sans hachazo, le mufle tourné aux trois quarts vers l’intérieur, tendu vers ce tissu qui s’échappe sans fin. A gauche, il faut le dire, Le Cid ne sut pas étaler ses talents comme jadis encore. Deux petits tours… et puis s’en vont. Qu’importe, 'Borgoñés' charge encore et encore. Une machine, droite, franche, bien programmée. Un moteur parfaitement huilé.
Et Séville voulut son empereur chinois !
Main ferme sur l'épée, le Cid n'a pas bronché sous le crépitement de flanelles blanches qui imploraient la grâce. Le président non plus ! Il a même dû baisser le pouce sous son pupitre, j'en suis sûr, comme les empereurs romains s'amusaient à le faire droits comme des "i" couronnés de lauriers. Pas "d'appartement intérieur" pour ce bon toro de combat, un brin au-dessus de la moyenne...
'Borgoñés' ne méritait ni l'indulto (les Sévillans deviendraient-ils un tant soit peu Marseillais ?), ni la vuelta finale qui en fit le héros de cette Feria de Abril. Il fut certes un toro important dans une saison mais il ne démontra pas toutes les qualités attendues pour un honneur qui devrait être considéré comme grand et exceptionnel. La première pique fut poussée avec force et fixité, reconnaissons-le, et s'acheva même par un batacazo, péripétie devenue rare chez les pensionnaires de "Las Tiesas de Santa María". Hélas, la seconde rencontre confirma ou plutôt annonça (car 'Borgoñés' fut lidié en second) le comportement général de ce lot de Victorino au demeurant fort intéressant et encasté. Une poussée de deux secondes et sortie en solitaire qui témoigne que la bravoure supposée du bicho n'était pas si étincelante ou en tout cas n'atteignait pas le degré "idéal" (si celui-ci existe) espéré pour une vuelta finale. Ainsi, reconnaissons à ce toro d'avoir été un grand toro de troisième tiers, comme cela est de plus en plus souvent le cas chez les Victorino, mais non point un grand toro de combat tout court. Il lui manquait quand même de la matière et ce, malgré la pluie diluvienne de dithyrambes qui s'est abattue sur le monde taurin dans les jours qui ont suivi sa lidia. Admettons également que le Victorino eut la chance de rencontrer sur son chemin un maestro comme le fut ce soir-là le Cid. Le grand brun bientôt chauve avait dû boire des litres de quiétude avant d'entamer le paseo. Concentré, calme, posé, pas un geste inutile ne vint gâcher la lidia de ses deux toros, pas une passe zélée n'entama son envie ; pas après pas, empreinte après empreinte, il construisit son triomphe...
'Borgoñés' ne méritait ni l'indulto (les Sévillans deviendraient-ils un tant soit peu Marseillais ?), ni la vuelta finale qui en fit le héros de cette Feria de Abril. Il fut certes un toro important dans une saison mais il ne démontra pas toutes les qualités attendues pour un honneur qui devrait être considéré comme grand et exceptionnel. La première pique fut poussée avec force et fixité, reconnaissons-le, et s'acheva même par un batacazo, péripétie devenue rare chez les pensionnaires de "Las Tiesas de Santa María". Hélas, la seconde rencontre confirma ou plutôt annonça (car 'Borgoñés' fut lidié en second) le comportement général de ce lot de Victorino au demeurant fort intéressant et encasté. Une poussée de deux secondes et sortie en solitaire qui témoigne que la bravoure supposée du bicho n'était pas si étincelante ou en tout cas n'atteignait pas le degré "idéal" (si celui-ci existe) espéré pour une vuelta finale. Ainsi, reconnaissons à ce toro d'avoir été un grand toro de troisième tiers, comme cela est de plus en plus souvent le cas chez les Victorino, mais non point un grand toro de combat tout court. Il lui manquait quand même de la matière et ce, malgré la pluie diluvienne de dithyrambes qui s'est abattue sur le monde taurin dans les jours qui ont suivi sa lidia. Admettons également que le Victorino eut la chance de rencontrer sur son chemin un maestro comme le fut ce soir-là le Cid. Le grand brun bientôt chauve avait dû boire des litres de quiétude avant d'entamer le paseo. Concentré, calme, posé, pas un geste inutile ne vint gâcher la lidia de ses deux toros, pas une passe zélée n'entama son envie ; pas après pas, empreinte après empreinte, il construisit son triomphe...
Malgré tout, l'histoire retiendra qu'un eunuque posthume faillit devenir empereur chinois, un soir de porte du Prince (ouais), le long d'un fleuve calme qui en a certainement vu d'autres...
* Si les tergiversations autour de la validité supposée ou non des trophées vous font le même effet qu'à votre serviteur, plongez-vous dans la lecture passionnante du dernier numéro de la revue L'histoire (n° 320, mai 2007), qui, pour une fois, consacre un dossier à un sujet exotique : "Les Chinois, la femme et le sexe"... C'est ô combien révélateur de notre mentalité occidentale... Bonne lecture.
>>> Retrouvez les galeries des corridas de Palha et de Victorino Martín de la dernière Feria de Abril sur le site, rubrique RUEDOS.