04 mai 2007

"Vert de gris..." Adolfo Martín


Les toros couvrent les fleurs de leurs gueulantes lancinantes, les oiseaux rivalisent, les aigus au taquet. C’est vert de la racine de l’encina jusqu’aux laides barrières tubulaires du cercado de Madrid ; des verts, autant que de pains chez la boulangère qui ne sait plus lequel vous refourguer finalement.
Depuis 1990, Adolfo Martín ( Martín Andrés puis son fils Martín Escudero depuis 1992) élève les frères des Victorino dans ce bout sublime d’Estrémadure. Ils sont comme les reflets de ceux de Moraleja sauf que, sauf que...
Sauf que les señores Adolfo, entrés à l’UCTL en 2000 après la période de prueba, ne sont pas des copieurs de fond de salle de classe. De tronche, c’est pareil, identique, igual que el otro avec les asaltillados dont on dirait que les lignes ont été dessinées à la seule pointe fine d’une plume grise et les autres, certains esquissés au bic, d’autres gribouillés au gros feutre avec leur caboche large, pleine de frisettes. Incomparable, l’Albaserrada n’en demeure pas moins multiple et divers. Les mêmes donc, peut-être, mais pas tout à fait quand même.

Le mundillo (terme vague j’en conviens), les taurinos et même les toreros ont clairement opté pour les bêtes du tonton. Prestige et histoire obligent certainement mais aussi parce que le tonton, qui montre tout le temps ses dents sous sa collection de panamas, a choisi le chemin de l’usine et de la surproduction. On produit à la chaîne à "Las Tiesas de Santa María", tout le monde peut ainsi être servi. Force est de constater que cette évolution se construit au détriment de la légendaire race des toros du paleto de Galapagar qui, s’ils développent toujours parfois ces charges à bouffer des fourmis, ont abandonné sur le bord du Tage leur envie d’en démordre au cheval (je conviens qu’il existe encore quelques exceptions). Mais bon, tout le monde il est content comme ça et 'Borgoñes' a obtenu sa petite vuelta lors de la dernière Feria de Abril (une bonne 1ère pique poussée fixement et puis sorti seul de la seconde à peine poussée !). Et dire que certains ont même demandé l’indulto !
Bref, bref. L’Adolfo n’est pas le Victorino et il coule toujours en lui cette âpreté qui fait les combats et les grands après-midis. L’irrégularité fait toujours partie du quotidien de la casa mais la casta est là le plus souvent, avec ses nuances évidemment. Au cheval car, quoi qu’en disent ou qu'en rêvent certains, le cheval reste l’étalon principal pour juger de la bravoure d’un taureau de combat, ça persiste à charger et à pousser, ça combat !
Le 7 juin 2002, à l’ombre d’un poteau des gradas venteñas, une femme charmante, coiffe L’Oréal de circonstance, un bon demi-siècle dans les contours des yeux et sur la fière bedaine de son mari, s’émerveillait à haute voix à la fin de la course : "Son toros de lujo." Elle rêvait à voix haute de l’encierro d’Adolfo Martín qui avait montré ce jour-là que le gris était une couleur vive (les six toros avaient été très bons et très complets). Efrén Acosta, picador génial du Zotoluco, avait su mettre sa technique du balancier au service de la grande classe de 'Madroño I', primé d’une fort méritée vuelta al ruedo, lui.
Cette année, les toros d’Adolfo quitteront "Los Alijares" pour se rendre deux fois à Las Ventas, en mai puis à l’automne. Les autres vogueront aux quatre coins de la péninsule, plus discrètement (médiatiquement parlant) que leurs frères de Moraleja, c’est la seule certitude. Pour le reste, ¡suerte Adolfo!

>>> Retrouvez la galerie des toros d'Adolfo Martín retenus pour Madrid ainsi que la galerie du reste de la camada 2007 sur le site.