Il en a coulé de la flotte boueuse, sous le « Pont-Neuf », entre "chez nous" et Saint-Paul, et je ne sais même pas si « Ramuntxo » existe encore. Oh... un rade pareil, ça s'évapore pas avec la première crise qui flambe ! Ça peut bien effrayer quelques ricains, oui, mais des solides de comptoir, avec des vieux garçons de bistrot en chemise « vert improbable » derrière le zing pour vous refiler des cacahuètes histoire de mieux faire passer le jaune de 9h du mat', ça, NON !
« Ramuntxo », il est encore là, j'en suis sûr.
Et des entrecôtes frites avec du mauvais rouge, en guise de krisprolls beurrés, tu crois qu'ils en servent encore, à 9h du mat' ? Ils doivent nous regretter, eux aussi, tu parles ! Peut-être même qu'on les aidait à faire tourner la boutique autour du 15 août. Va savoir...
Bref, « Ramuntxo », pour moi, pour nous, ça ne sera plus qu'un souvenir… Un souvenir d'afición, de vraie afición, pure, naïve, belle, simple et libre, TRES libre... Un bon souvenir, quoi. Ça a duré, cette affaire-là. Pour moi ? Je sais pas... On va dire 5 ans ? 5 ans à se lever péniblement tous les jours à 8 ou 9 heures, au nom de l'Afición, la nôtre, selon que le tampon de la veille avait été sévère ou délicat. La gueule en vrac, voire gravement fracassée selon l'avancée de la "Féria des férias". Bref, on y était, tous les matins, et on faisait péter nos trois neurones pour faire basculer la sentence enchanteresse, celle que toute l'assistance de braves couillons et tendres rêveurs que nous étions, allait approuver d'un éclat de rire général ou d'un grave « Té, voilà !!! ». Oh, en moyenne, on pondait un « sujet/verbe/complément » toutes les vingt minutes, et l'entrecôte, attendant sagement d'y passer, devenait presque une amie. Plantée connement dans son assiette comme un drôle venant d'encaisser une torgnole sans savoir pourquoi il l'avait prise, elle siégeait là, superbe, salée, poivrée même, chaleureusement entourée de frites grasses, et attendait presque son tour pour collaborer, des fois, à nos humeurs encrées sur papier vert.
Ça ressemblait à un cadavre exquis, que chacun balançait sans imaginer qui allait le ponctuer. L'agacement de l'un, la bafouille de l'autre, associés à la grosse connerie de machin. On jouait à ça, et ça nous amusait. Opinions et coups de gueules, humeurs et rigolades, on résistait avec des mots, les nôtres. Tout le monde l'attendait, le petit papier acide de l'ANDA, et c'était comme ça...
Calme et volupté, le soleil torpillait sauvagement, et nous, sous la terrasse dans la cour arrière, on regardait sécher les draps en attendant que l'éclair de génie ne fuse. Boh ! Bien sûr, tu te doutes que ça valait pas un Goncourt, mais ça faisait poiler la galerie sur les tendidos, sur les coups de 17h30, et ça alimentait la polémique dans la cité thermale. A partir de là, on connaissait la sentence : on était des bons petits gars, ou des petits cons, mais on était surtout le petit grain de sable dans le « moule-bite », celui qui gratte, qui démange ou qui irrite.
On n'était personne, on vivait, on respirait plein pif, on participait à la vie taurine, on ramassait des claques mais on se faisait entendre, on était bien... On payait nos places, car rien ne valait une bonne gueulante librement beuglée d'en haut des gradas-sol, entre deux sandwichs au foie-gras du « Guit », et un pion de rosé pas très bon, pas très frais mais pas très cher. Y'avait Paco, y'avait Vincent, Bertrand, Jeff, Patxi, Cédric, aussi, ou le vieux barbu au bob vert que je n'oublie pas, et puis le passant qui passait, car on ne refusait personne, quand on écrivait les « billets verts ». Un papier, une couleur, un en-tête, un symbole... Houle de face et tête en avant, les vraies vertus d'une afición de rien, sans prétention et sans moyen, juste des rêves, des tripes, la foi, et la liberté de dire MERDE !
Mario, tu le sais, toi, que c'était bien, tout ça !...
El Batacazo