20 août 2009

Même vu d'en haut...


... même à 1500 mètres, et même si ce n’est pas le Mont Blanc c’est suffisamment haut pour rafraîchir ses nuits, la lecture quotidienne de Mundomueco et Burlatodos devient rapidement insupportable. Nous nageons, comme jamais, en plein délire auto-triomphaliste. Ça en est affligeant au point d’en devenir vomitif, même vu d'en haut et au frais. Pas une critique, rien. A croire que nous vivons véritablement un nouvel âge d’or du toreo. Tous les deux jours, un événement HIS-TO-RI-QUE.
Heureusement qu'il y a les mails des copains pour vous ramener à la réalité ou, plus simplement, vous informer. Les mails des copains et... la presse quotidienne ibérique.
Ça en est même parfois surprenant. Il ne fait aucun doute que la presse quotidienne espagnole est la seule capable d’être à ce point impertinente, libre et indépendante.
Prenez le cas de Perera, l’autre jour à Bilbao. A en croire les portails autorisés il fut grandiose, grandissime. A les croire, seul Matías González fut assez stupide et aveugle pour refuser l’oreille réclamée par le bon peuple de Bilbao. Une oreille refusée, le drame, l'injustice, l'affaire d'état. C'est qu'il faut voir les proportions que peuvent prendre ces choses-là. Mais pourquoi donc ? Pourquoi le palco n'a-t-il pas octroyé cette malheureuse oreille ? Mystère. Aucun début de commencement de réflexion ou d'explication. Juste l'invective et le dénigrement du président. C'est tout juste si le métier de la mère de Matías n'est pas évoqué.
Ils sont tous unanimes : Perera, oreille, injustice. Matías salaud ! Le peuple aura ta peau ! Sauf que… Lisez donc cette modeste traduction de ce qu’a pu en écrire Javier Villán dans El Mundo. Même vu d’en haut et au frais, ça rassure. Ou pour le moins ça explique. Et c'est déjà énorme.

… A son premier fuente ymbro, d’aspect magnifique mais pourri de l’intérieur, on simula la suerte de varas et, par conséquent, Perera simula le toreo de cape. Mais il dut deviner quelque chose dans cette ruine d’animal joli car il le brinda au public.
Le
brindis fit bien voir le torero mais finit de révéler un toro fatigué, somnambule et agonisant.
Et Perera s’est énormément plu avec ce cadavre ambulant.
Après un unique
pinchazo, le violent capotazo d’un peón a fini par avoir raison de l’animal qui, s’il avait eu toutes les peines du monde à se tenir debout, était encore moins en mesure de se relever…
… Matías González fit bien de ne pas concéder l’oreille malgré une bronca…
Miguel Ángel Perera ne fut pas très éloquent muleta en main, sans pour autant avoir été mal.
Il fut plus fin et plus prolixe dans une magnifique interview de la série "En Camisa de Once Varas". Au cours d’une entrevue exemplaire avec Pedro Simón, un journaliste excellent comme tous ceux qui s’occupent de cette série, Perera a parlé de l’humain et du divin, intelligemment provoqué par la sagacité de son interlocuteur.
Perera semble avoir les idées claires en tout, même en ce qui concerne un certain journaliste auquel, selon lui,
"habría que desmochar entero"*.
J’ignore quelle idée précise se fait du
desmoche Monsieur Perera ; je suppose qu’il doit être plutôt bien informé sur le sujet si l'on se réfère aux toros aféités qu’il tue a longueur de temporada, comme tous, figuras ou non figuras.
Il ne me semble pas que ce terme soit le mieux approprié pour être appliqué à un journaliste. Il démontre en tout cas que Perera a plus de facilité à aller au
pitón contraire avec la presse qu’avec les toros, un des points faibles de son toreo d’arrimón stéréotypé.
Javier Villán

* Un toro mocho est un toro qui a "exagérément" perdu ses pointes, comme ceux de rejón par exemple. Le verbe desmochar signifie donc aféiter à l’extrême.

PERERA