01 juin 2006

"Même pas devant le portail"

Voilà une photographie bien étrange.
Un homme et un toro me direz-vous. Certes, mais surtout un homme caressant un toro de lidia. Et pas n'importe quel bestiau figurez-vous, un miura!
Cet homme était le mayoral de la ganadería à l'époque de la photographie, c'est-à-dire en 1923.
La scène est commentée de la façon suivante par l'immense Luis Fernández Salcedo dans un petit ouvrage fort intéressant, El toro Bravo : " Pour démontrer que le toro bravo est un animal naturellement pacifique, nous pouvons citer le cas de ce toro de Miura ('Judio', n°84, couru à Bilbao en août 1923), qui, après avoir été châtié par ses congénères, vint trouver refuge auprès du mayoral, le célèbre Miguel 'El Niño', se laissant caresser pour la première fois et qui s'avéra ensuite très bon lors de la lidia."
Le toro de lidia est-il réellement pacifique ou 'Judio' fut-il une des exceptions qui confirment la règle ? Je ne sais pas personnellement quelle version je préfère croire.
Les toros blessés par leurs congénères sont-ils de meilleurs combattants que les autres ? Il n'y a évidemment pas de règle en ce qui concerne la "psychologie" d'un tel animal mais l'interrogation est louable.
Evoquant la mémoire de 'Bombito' avec l'actuel mayoral des miuras, Manolo García, celui-ci m'expliquait que ce toro avait été encorné quelques semaines avant d'être embarqué pour les Sanfermines de 1999. Pendant deux jours, il avait cru perdre cette magnifique bête mais, la caste aidant peut-être, 'Bombito' se "refit une patate", lentement mais sûrement. Il alla à Pamplona !
Ceux qui assistèrent à la course se souviennent encore de la pique d'environ 10 minutes (certes proche du toril) et de la pelea encastée qu'il livra ensuite face à Juan José Padilla qui lança pour l'occasion sa carrière.
Les toros reconnaissent-ils parmi eux les futurs grands de l'arène ? Ont-ils cet instinct là ?
Parfois, pourtant, l'histoire n'est pas aussi belle. Manolo García évoqua aussi un frère de 'Bombito' (le même selon lui mais avec plus de cornes encore !) qui fut exécuté une nuit, dans l'anonymat et le silence des coups de cornes. Cosas de toros.
Voyant ce Miguel 'El Niño' caressant placidement le morrillo de 'Judio', revient à ma mémoire cette sentence de Curro Romero à qui l'on demandait ce qu'il pensait des miuras (ou quelque chose comme ça) et qui répondit qu'il "ne passerait même pas devant le portail" de la finca. A chacun ses caresses.

Cosas de toros
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El Toro Bravo, Luis Fernández Salcedo, Sección de publicaciones, prensa y propaganda del ministerio de agricultura.