29 juin 2006

Ya falta menos... J-7


Parfois, comme partout, il est des positions instables. Cet homme, par exemple. Courir l’encierro, c’est rechercher la position instable. C’est un acte gratuit et volontaire, une quête d’instabilité furtive.
Ne pas courir l’encierro est un choix, une quête de stabilité durable.
Pourtant, il arrive que l’instabilité vous croise en haut de la côte de Santo Domingo, une matinée ensoleillée de juillet.
Bloqué par la foule, il faut remonter jusqu’aux arènes nous dit ce flic qui s’en remue les cojones qu’on se fasse étriper loin de chez nous. On n’aura pas le temps, c’est sûr.
Une porte, dérisoire petite grotte dans le lit du déferlement, on s’y colle. Les couvertures qu’on devait vous ramener sont là, des remparts au cas où.
On est cool jusqu’au pétard.
Xssss…poum... glaçant, l’enfer monte à la gorge.
Des bruits de sabots, pleins ; des cloches, ils arrivent.
Les Partido de Resina vont très vite devant nous, leur tête cherche le coureur égaré, inexpérimenté. Ne pas bouger, musée Grévin de la peur.
Cauchemar ? Rêve ? Qui es-tu finalement Pamplona ?
Peut-être une utopie, dans sa double définition :
« 1° : L’Utopie : pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux. 2° : Idéal, vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité. » (Petit Robert)

Une simple et grandiose utopie. Les deux définitions lui vont bien. Les fêtes de San Fermín ne sont pas imaginaires, quoique, mais elles débordent de vies rêvées.
Un gouvernement idéal, par principe et littéralement, ça ne tient pas debout. Sauf ici peut-être. C’est le peuple en branle qui gouverne, qui dit quoi faire, qui applique les lois, comme tout gouvernement, en théorie. C’est lui qui crie qu’il veut être heureux, il a neuf jours pour y arriver. Challenge, comme on dit aujourd’hui.

Pamplona, c’est aussi cet « idéal qui ne tient pas compte de la réalité ». Une vue non pas politique ou sociale mais métaphysique, ontologique. L’être ou le néant en quelque sorte, pendant neuf jours. Challenge, comme on dit aujourd’hui.
Rien n’est figé en ce bas monde, une seule définition ne suffit pas à expliquer un mot, un sentiment, un phénomène. Tout est multiple, et unique dans cette multiplicité. Il faut de la complexité.
Pamplona ne déroge pas à la règle.
Des milliers de définitions peuvent la qualifier, aucune n’a ce pouvoir de la saisir pour la figer.
Il faudra des vies entières pour en connaître ne serait-ce qu’un instant réel, c’est pas gagné.
Elle est ce que nous en faisons, on reste les maîtres à bord de ce navire au large du réel.