06 juin 2006

Viconographie (I)


Tous les cabots de Gascogne ont dû répondre en chœur, hurler de concert ce lundi 5 juin 2006. 'Garivacío', petite chose negra de Paco Galache de Hernandinos, s’affale comme « Caruso », le labrador paralytique d’un « Air de Famille » et la bronca rugit. On est à Vic !
- « Alors, hier soir ? demande le n° 25 ou 26 du rang 10 à son pote, le n° 26 ou 25.
- Chou blanc, encore. Ça fait 3 soirs, trois soirs chou blanc !
- Remarque, c’est comme ça depuis quatre ans. »


- « C’est le train arrière, ce toro a le train arrière pété » affirme, sûr de son jugement, un du rang 9. Il suit ce qui se passe en bas.
- « Ben nous au moins, on s’est pas cassé le train arrière hier soir ».
Fou rire !

On doit être les seuls pimpins à se bidonner franchement dans ce bordel de la colère. Le président ne changera pas 'Garivacio'. Sait-on jamais, si tout le lot était comme lui. C’est à peu de choses près ce qui se passa pourtant.
'Garivacio' est mort, l’oreille est majoritairement demandée. Ionesco est Vicois ! Le président hautain.
'Panero', le cinquième de la tarde, attend. Manuel Jesús 'El Cid' boit tranquillement derrière un burladero, de la main droite. 'Panero' attend, tête haute, à droite du buveur.
'Panero' démarre. C’est Manuel qui l’attend, maintenant, pour le doubler, à droite. La tête est dans le leurre, la main droite dirige, oblige, conduit puis... disparaît. Le rouge avance seul, le sable ne sent rien qu’un murmure de vent ; pas un bruit, pas un rire, chut... et chante la main gauche.
Le reste ne fut qu'hurlements et léthargie. Chaque génuflexion des pensionnaires de Galache était ponctuée par le cri sourd d'un spectateur, comme ces klaxons des années 1920. Vic était fatiguée, écœurée. Sous la chaleur, on transpirait Salamanque, des grosses gouttes d'une maladie bleue, stupide et bureaucratique. Ya basta, le "chou blanc" qu'ils disaient.
A dire vrai, déjà dimanche, l'orage qui gonflait au loin sur les Pyrénées était prêt à se vider sur le rond vicois.
Une gitane charra nous a balancé 6 choses noires en pleine Gascogne, six choses sans trapío. Santa Coloma, c'est pas toujours très costaud, le prototype racial comme il est de bon ton de dire aujourd'hui, n'offre pas de grandes carcasses. Même le côté ibarreño de la famille, pourtant plus imposant. Les organisateurs devaient avoir des crottes de mouches dans les yeux au campo. Nanisme du pitón, musculature en berne, du "chou blanc" de toro.
Ferrera, López Cháves, Vilches étaient là, semble-t-il. A l'ombre, tout en haut, dans la partie moderne, la sieste s'immisce plus insidieusement, les agapes de la veille se distillent gentiment. J'ai roupillé, c'est sûr. Evidemment, ça n'a pas duré tout le temps.
Les applaudissements de l'étrange public vicois m'ont rappelé que Ferrera posait encore les banderilles. Le visage tordu par une rage quasi tellurique, le corps cambré à en péter, Antonio court dans tous les sens, esquive le cornu qui de toute façon n'a pas envie de le charger, et plante tout en puissance, comme un bûcheron basque. Et ça applaudit, ça applaudit, certains même se pâment, se lèvent. Ferrera a inventé le toro trampoline et ça plaît... Le cul à Teruel, la tête à Badajoz. Bref, j'étais réveillé mais pas content.
Arriva López Cháves, et... le sommeil. Je ne sais pas si j'ai rêvé mais des cris aigus m'ont à nouveau dérangé. Vilches paraissait agacé par la mule qui tournait à ses côtés. Il se mit à crier, vociférer pour attirer son attention. C'était valeureux mais trop tard. Trois, quatre passes plus tard il fallait s'en aller, quitter ce lit de béton, ces draps de chaleur et d'ennui.

Vic n'était qu'un "chou blanc", avec un foulard rouge.