14 avril 2011

¿Usted habla triguereño?



Que dire de Cuadri, Trigueros et "Comeuñas" que nous n'ayons déjà dit ? A en croire Luis, il faudrait demander à José Escobar, dont les souvenirs de mayoral sèchent et s'affinent à l'âcre fumée havanaise, comme les meilleurs jamones dans les caves de la sierra voisine. Dans sa fantastique caboche, José Escobar tient le livre de la ganadería : vous le saviez déjà.

On ne passera pas cet après-midi, le ruisseau est en crue, les accès à Trigueros ont été coupés dans la matinée et je me demande comment le X5 a réussi à percer le rideau de pluie près de Séville. Bah, après tout... on verra bien. 
Ça passe... "Comeuñas" sent le feu de bois, les toits végétaux ont verdi, le campo frise le fluo, les pollens ne font plus frissonner ma narine.

— Putain, le pied, c'est beau ! C'est vraiment le paradis !
— T'as rien trouvé de mieux, là ?
— Ben non... pour quoi faire ?

Je sèche devant la campagne mouillée. C'est tout, rien à ajouter. Mon père disait qu'un écrivain commence à écrire sur une femme quand celle-ci commence à le faire chier (mais chier dans quel sens ?). Ici, les mots sont superflus ou ne suffisent pas, au choix. Vert multiple, campagne désaltérée et personne pour nous montrer les toros en cette fin d'après-midi. Quelques-uns jalonnent le chemin, on s'en contentera et on reviendra demain. 

Je suis resté poli 20 minutes peut-être : 
— Luis, lo siento pero no entiendo nada de lo que dices... 
— ¡Jajaja, es que no entiendes el triguereño!
— Pfff... cuando no estas en frente de mi o que estas hablando con otra persona, es verdad. ¡Nada!
— Aquí, se dice : "naa'a".
— Ah, pues si... "naa'a... Paa' naa'a !"

Le lendemain matin, la campagne est verte comme l'enfer et le vert plus fort que la mort. Les toros paissent avec leur dégaine indémodable depuis Altamira à nos jours. Ramassés, profonds comme les Mariannes, luisants comme la brillantine, tranquilles tel le Baptiste. On fait le tour des enclos, Luis nous demande notre avis (pfff... mais j'y connais quoi, moi ?!). Le lot de Zaragoza est parfaitement dans le type, celui de Madrid, aussi mais plus gros, beaucoup plus. Vous faites des autobus ici ? Pepina balade son grand sourire béat, quasi bêta. Martine à la ferme. 
Les yeux des vaqueros brillent de joie et d'une pointe de fierté à l'heure de nous montrer les toros. Un peu les leurs. Le lot de Madrid court dans l'immense enclos sur la droite en quittant la finca. On le longe par un chemin au bord duquel file un mur de pierre. On passerait des heures accoudé là à regarder les bestiaux et prendre 100 fois la même photo : un littoral campero, un genre de royaume dont le Prince parle une langue bizarre.

— ¿Usted habla triguereño?
— Pues, me encantaría... 

On clique sur la photo pour voir les oiseaux...