Le problème des corridas concours est le choix des maestros chargés de combattre les six toros. Car au-delà de leurs qualités avérées ou non de torero, la vérité oblige à reconnaître ce que l’on oublie trop souvent : la lidia d’un toro débute dès la sortie du toril et s’achève avec la puntilla. Et cette lidia essentielle est menée par une équipe, une cuadrilla, qui se doit d’être au point. Ce samedi 16 avril, Serafín Marín et sa cuadrilla étaient prêts et même plus. Le diestro catalan a été excellent de bout en bout, intelligent, meneur d’hommes et de toros. A sa suite, sa cuadrilla brilla par l’économie de gestes et le sens de la lidia. En point d’orgue, il y eut ce spectacle rarissimissime d’un torero a caballo encore capable de piquer un toro brave ('Garboso' d’Adelaida Rodríguez) dans le morrillo... une fois, deux fois, trois fois, quatre fois et même cinq fois. Sur le programme était écrit : « Manuel Molina (grana y oro), pica el 5°. »
Mais Serafín Marín et sa cuadrilla démontrèrent en contrepoint qu’une corrida concours ne peut pas être confiée au premier torero local ou au protégé de l’empresa. Une corrida concours, si elle doit être organisée, se doit de proposer au cartel des toreros lidiadores, c’est une chose, mais avant tout et surtout, des toreros accompagnés d’une cuadrilla digne de ce nom. C’est triste à écrire mais c’est ainsi et, ce samedi 16 avril, Serranito et sa cuadrilla de mercenaires ont massacré (le terme « saigné » serait plus adéquat) un toro très intéressant (Juan Luis Fraile) et ont faussé le tercio de piques du dernier (La Reina) en étant incapables de contenir et de guider la charge encastée de cet animal.
'Gargantillo' a gagné parce qu’il était beau ! Ça compte. 'Gargantillo' avait du trapío. 480 kilos de trapío et de présence (la queue un peu courte peut-être). 'Garboso' (Adelaida Rodríguez) a perdu à cause de son asphyxie lors du troisième tiers (il n’a pu recevoir que 4 passes puis s’est couché longuement sur le sable), mais surtout parce qu'il était sans trapío. 581 kilos de non trapío. 'Sortijero' (Juan Luis Fraile), malgré d’indéniables qualités de caste et malgré un assassinat aux piques, n’aurait jamais pu gagner car il n’avait pas lui non plus de trapío avec ce cul étroit et cette colonne vertébrale mal tombée. 'Sedero' (La Reina) avait du trapío mais il n’a pas gagné car trop dans le concept moderne d’un toro fabriqué uniquement pour le troisième tiers (même s’il démontra une belle caste débordante pour Castaño). Et puis on ne gagne pas avec deux cornes éclatées ! Elles servent à quoi leurs fundas Monsieur Joselito ? 'Aviador' (Adolfo Martín) pesait 475 kilos. 'Aviador' était beau. Vraiment beau et vraiment con trapío ! Une "estampe". 'Aviador' n’a pas gagné car 'Aviador' s’est comporté comme un Albaserrada au cheval — j’y vais mais pas trop, j’y repars mais sans conviction — et comme un pu... de sa ra... d’Albaserrada au troisième tiers. Le truc qui charge avec allant mais l’œil sur les chevilles, les deux yeux même. Un Albaserrrada que l'on aimerait revoir plus souvent pour dire vrai. Le trapío, le poids... Eternel dilemme réglé ce samedi 16 avril par un Santa Coloma de 480 kilos et par un Albaserrada de 475 kilos ! Enhorabuena.
Alors oublions le Concha y Sierra, oublions les piques de tienta, oublions le manque de public et la moyenne d’âge cheveux blancs, oublions Castaño et surtout Serranito. Oublions tout cela. Ce samedi 16 avril, il y avait une bonne cuadra de caballos, deux bons picadors, un maestro et des toros de lidia.
>>> Retrouvez une galerie consacrée à cette corrida concours sur le site www.camposyruedos.com, rubrique RUEDOS.
Photographie 'Aviador' d'Adolfo Martín Andrés © Laurent Larrieu