Suite et fin de « Juin 1933, Le Toril » et de « Des carcasses de poids ».
Par qui on commence ? Allez, par le plus ancien, j'ai nommé Claude Popelin. Dans son dictionnaire La Tauromachie (Seuil, 1994, p. 59), à l'entrée « Canal », il écrit1 : « Compte tenu des déchets de boucherie, il convient d'ajouter 40 % au poids en canal, pour estimer approximativement le poids en vif. » Ajouter 40 % de quoi ? Certainement 40 % du poids en canal puisque seul celui-ci est connu. Bien, alors prenons le poids « en canal » moyen du lot de novillos de Moreno de la Cova (Vic 1933) rectifié par Le Toril, soit 275 kilos, et ajoutons-y 40 % (275 x 0,4 = 110), soit 110 kilos. On obtient donc un poids vif moyen de 385 kilos… Ce chiffre ridiculement bas parle de lui-même et ne dit rien qui vaille.
Dans un autre dico2, un cadet de Popelin, Pierre Mialane, n'a pas dû trop se creuser les méninges pour pondre son article, un copier-coller étoffé de la définition sus-citée : « Au poids en canal, il convient d'ajouter environ 40 % pour avoir approximativement le poids en vif. Ce petit calcul mental permet parfois de constater que le poids annoncé en vif est pour le moins fantaisiste. […] Ainsi un toro pesant 350 kg en canal […] pesait 490 kg à son entrée en piste. » Ah bon ? Pour avoir à ma disposition les poids « en canal » des Palha lidiés à Azpeitia le 31 juillet 2007, inutile de vous prévenir que la fantaisie ne se niche pas toujours là où l'on croît, car si le lot marqué du P surmonté de sa croix affichait un poids moyen « en canal » de 288 kilos, j'ai peine à croire que la moyenne dudit lot en poids vif ne dépassait pas les 405 kilos !
Dans un tout autre genre, j’ai déjà eu l’occasion de lire ici même, sous la plume de Laurent Giner — si les preuves sont accablantes3, les chiffres, eux, sont têtus —, que « le poids en canal pour le toro de lidia était, il y a peu, de 50 % du poids vif »… L’argumentation reposant sur « l’évolution depuis 15 ans du physique du toro de combat » — poids « déporté sur l’arrière-train » de l’animal, celui-ci perdant ainsi « de sa superbe et de son port de tête altier afin de mieux pouvoir la baisser » —, est-ce à dire que le lot de Miura de 1983 (voir Des carcasses de poids) ait pu afficher un poids vif moyen de 684 kilos ? Ou que le plus léger des novillos de 1933, au poids « en canal » de 260 kg, ait pu en peser 520 ? Et que le plus lourd de ces novillos ait pu en accuser 80 de plus !? Devait pas faire bon être novillero en ce temps-là…
Enfin, le « meilleur » pour conclure : cet été, Isa du Moun, membre actif du forum La Bronca, divulgua gracieusement, via l'organisation vicoise, les « poids en canal » (sic) des novillos et toros lidiés lors de la dernière Pentecôte. Où j'appris, ébahi, que les carcasses des novillos de Flor de Jara allaient de 460 à 545 kg ; que celles des toros de la corrida-concours affichaient des poids compris entre 478 (Victorino Martín) et 642 kg (Miura)4… et tout le reste à l’avenant, avec, en prime, cette phrase finale tout bonnement hallucinante : « Le poids en canal représente 50 à 55 % du poids vif. » Bigre ! Et la calculette me tomba des mains.
Décidément, entre Vic et la bascule, c'est plus que jamais je t'aime… moi non plus.
1 À moins qu'il ne s'agisse d'un ajout de Yves Harté à l'édition originale de 1970 ? Ne la possédant pas…
2 Robert Bérard (sous la direction de), La Tauromachie, Histoire et dictionnaire, Éd. Robert Laffont (coll. Bouquins), 2003, p. 351.
3 Lesquelles ? Je suis prêt à tout entendre, mais force est de constater que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le fantasme le disputant à la fantaisie (encore elle), actuellement, seules des données chiffrées collectées à différentes époques nous permettent de comparer. Au fait, qui cela intéresse-t-il ?
4 Je me permets de préciser, après coup, que les Vicois ont bien évidemment estimé et communiqué le poids vif à partir du poids « en canal » fourni par l'abattoir. Ça va mieux en le disant.
Rectificatif Bien fait pour moi ! Isa du Moun n'est pas très contente et elle a raison. Elle pense avoir été prise pour une imbécile, mais elle a tort. Si tel fut son ressenti, qu'elle veuille bien accepter mes excuses. Le 9 juin 2009, sur le forum La Bronca, elle publie ceci : « Le service des abattoirs a communiqué au club taurin les poids en canal, c'est-à-dire la dépouille y compris la queue sans tête ni viscère. Voici les poids des novillos et toros combattus à Vic pour Pentecôte ; les toros sont donnés dans l'ordre de sortie avec leur numéro et leur nom. » Et, en effet, à la suite viennent les noms des novillos et des toros, etc., et puis c'est tout ! Mais, 9 messages plus loin, le surnommé Cabron précise : « Le poids en canal représente 50 à 55 % du poids vif. » Par erreur, j'ai intégré ce propos au message d'Isa du Moun, en pensant sincèrement qu'il en faisait partie — pourtant, une simple vérification suffisait ! Voilà, ça ira toujours mieux (et plus que jamais) en le disant. Je ne passerais pas pour un imbécile, là ?
Images Francis Bacon / Figure with Meat, 1954 © Art Institute of Chicago ● Chaïm Soutine / Pièce de bœuf, 1923 © Collection privée, en prêt à la National Gallery of Art, Washington, DC