22 décembre 2009

Maybe Harlem...


Robert Doisneau disait qu'il était seulement capable de photographier Paris, son propre univers, qu'il avait bien essayé de photographier ailleurs mais qu'il n'y parvenait pas.
A l'inverse, d'autres ont besoin de s'éloigner, se perdre et se dépayser.
Un des livres photographiques les plus remarquables jamais publiés sur la tauromachie est l’œuvre du dépaysement total d’un type de Minneapolis.
Minneapolis, le Mexique, Madrid et maintenant New York City, Brooklyn.
C’est à Brooklyn qu’il habite aujourd’hui le photographe de Minneapolis. Et c'est au cœur de Manhattan que nous l'avons croisé, "pour de vrai", après des années à s'échanger des e-mails.
- Minneapolis, like Prince !, lui balance notre Tendido69.
- Yeah ! like Prince, sourit Michael Crouser, tout en douceur et en timidité. Un pote à moi l’a photographié, Prince, à ses débuts. Mais bon, c’était les débuts, maintenant les choses ont changé.

Michael Crouser, évidemment vous le connaissez, depuis qu’on vous en cause sur Camposyruedos.
Nous le retrouvons 28ème rue, entre Park Avenue et Madison, dans un restaurant qui s’appelle Pamplona, tenu par de sympathiques Sud-Américains.
Pamplona à New York, pobre de mí, pas de bol, c’est le dernier jour du Pamplona. La crise sans doute. Et puis ici tout va tellement vite. Dommage, le cochinillo asado était d’un fondant à pleurer.

La conversation avec Michael est assez étonnante, nous mélangeons sans trop y réfléchir castillan et anglais, tout en évitant soigneusement le français. Et ça marche ! Ça marche parfaitement.
Michael nous montre les tirages de son dernier travail, sur les cow-boys de l’Oregon. Superbe, mais pas encore d’éditeur en vue. Pour les photographes aussi la crise apporte son lot de complications.

- Dis-moi un truc Michael, tu as cette ville à tes pieds, sous tes yeux. Tu attends quoi pour nous faire le New York de Crouser ?

- Tu sais, pour photographier, j’ai besoin de me sentir loin de chez moi, ailleurs, dépaysé. C'est un peu comme pour tirer, j’ai besoin des odeurs du labo, enfiler ma blouse, la lumière inactinique… Sentir le film sous mes doigts, le faire glisser entre l’index et le majeur pour l’essorer.

Petite parenthèse d'importance. A l’heure du triomphe hégémonique du numérique, Michael travaille toujours en argentique. Il en a besoin, pour se sentir photographe. Ce n’est pas qu’il dédaigne le numérique. C’est plutôt qu’il s’agit pour lui d’un besoin presque physique. Une sorte de nécessité difficilement explicable.
Michael reprend sur New York.
-… Et puis cette ville a tellement été photographiée. Quel regard neuf suis-je susceptible d’y apporter ?

- Ah non, là je t’arrête. Pour le dépaysement, ok, je te suis, mais pour le reste non ! Regarde. Avant toi il y a eu un nombre incalculable de livres publiés sur la tauromachie. Et puis arrive "Los Toros", la vision d'un Américain de Minneapolis, et là… Whaoooooo ! Alors je pense que tu devrais nous photographier New York City, même si je comprends ton problème de non dépaysement !

- (rires) Merci ! Merci ! Mais New York sera très compliquée pour moi. Vous savez, je cherche des photographies « timeless » qui ne soient pas datées, sans marques, sans choses à la mode… Alors New York, ce sera difficile…

- Bon, oublions Downtown, mais Harlem et Uptown alors ! Tu auras des milliers de choses à photographier à Harlem…

- Oui, peut-être Harlem… J’irai y faire un tour un de ces jours…

Peut-être Harlem. En attendant, Michael a envie de s'offrir un mois de San Isidro, sans appareil photo, juste profiter de Madrid et voir de belles corridas…
Pobre de mí.
Plutôt Harlem...