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27 octobre 2013

Adiós Lou Reed


Som’times I feel so happy
Som’times I feel so sad
Som’times I feel so happy
But mostly you just make me mad
Linger on your pale blue eyes


En espagnol, palmar ne semble exister dans sa forme verbale qu’en argot pour dire « casser sa pipe ». Si Lou Reed a fréquenté autant de chemins bizarres que le laissent penser ses textes, 71 ans est un âge très respectable pour passer l’arme à gauche.

Poète trash, rock’n’roll, pas franchement sociable : vous connaissez le topo. L’ancien chanteur, guitariste et auteur du Velvet Underground nous laisse quelques indiscutables chefs-d’œuvre qui, pour beaucoup, n’ont rien perdu de cet éclat malsain, cette élégance fétide, ce parfum de malaise. Il y en a un peu pour tous les goûts dans cet œuvre. J’ai un faible pour l’histoire totalement tordue du gars qui se débrouille pour se faire expédier par la poste dans un carton à sa copine qui vit loin de chez lui et qui meurt quand la copine de celle-ci ouvre le paquet avec un couteau (A Gift), et pour tout un tas de grands classiques ; la liste est trop longue pour attaquer ici l’inventaire.

Il incarnait une certaine idée d’un New York crade et romantique, des expériences pas recommandables, d’un rock’n’roll choquant, érudit et élégant. François Bruschet m’en voudrait de ne pas citer Walk on the Wild Side. Ainsi soit-il ! So long Lou…

Candy came from out on the Island
In the back room she was everybody’s darling
But she never lost her head
Even when she was giving head
She says, “Hey, babe
Take a walk on the wild side”


21 mars 2011

Bruce Davidson, the Picture man


Il n'y a pas grand-chose à en dire. Juste regarder et se régaler...

Bruce Davidson Magnum Photos /// Edelman Gallery

03 juin 2010

Aux pieds des buildings


Il n’est plus un écrivain de métier pour soutenir que ce monde est réel. En fait, les écrivailleurs ont capitulé. Ils nous disent même que nous allons vers la chute, préférant l’astrologie littéraire à l’exégèse de notre inanité.
Voyez New York. L’empire déréalisant. Ou comment la marque NY vendue à tous les gogos et à toutes les pintades du monde n’est qu’une supercherie, une légende colportée par des colporteurs. «Les Martines à New York» achètent la fête, le tourisme et l’horrible culture, creusant un trou noir inédit dont elles ignorent le cercle et la profondeur.
Il appert pourtant des avenues de Manhattan que tout y est sale, inconfortable, comme cabossé par des pluies de grêlons, qu’une odeur d’oignon cramé éteint les parfums chers, que l’avenue percée de grilles est inadaptée aux talons hauts, que la cité est industrieuse, angoissée, surfaite de milles démesures qui ne sont que des étages ; et les écrivains sérieux de nous avertir : c’est une ville vile, archi fausse, dont la représentation prospère sur le terreau des époques de vanité collective et de non goût. Pas joli, joli, quoi. C’est un peu comme lorsque, dans un moment de sagacité, vous comprenez que Paris Plage… ben c’est pas vraiment la mer.
Mais alors pourquoi ceux qui, pour toutes ces raisons, détestent si obstinément New York finissent-ils par s’y incruster si amoureusement ?
La nuit, la matière noire échoue à rentrer dans la ville et les immeubles ressemblent à des paquebots qui coulent. Ceux qui sont alvéolés de lumières blanches trahissent les vies perpétuelles de bureau ; d’autres, percés de jaunes, abritent les ouvriers décravatés en station allongée. Bref, la nuit ne tombe jamais et rien ne change, New York n’existe toujours pas.
Sauf qu’une nuit de mai 2010, au rez-de-chaussée de l’un de ces buildings inventés, nous parlions de toros. Nous parlions vraiment de toros. Je jure vous dire la vérité : nous échangions avec des yankees, dans leur langue, sur nos bovidés préférés et sur tout le reste. Nos bavardages couraient ainsi du campo aux ruedos quand nous comprîmes que nos interlocuteurs américains en savaient au moins autant que nous sur ces affaires-là. Nous qui, quelques minutes avant, imaginions leur raconter Madrid comme on parle des mystérieuses cités d’or… Nous n’avions rien à leur apprendre aux Amerloques, rien qui ne dépasse le récit de nos propres anecdotes. Cela nous arrondissait le cul plus largement qu’une corne de Barcial. Aussi incroyable qu’irréel, le New York City Club Taurino (NYCCT) est une assemblée d’aficionados. Des passionnés dont la plupart doivent à Hemingway de les avoir initialement conduit aux arènes. Il y a des entremetteurs moins légitimes.
Revenons un instant aux discussions elles mêmes. « He lost the sitio » (à propos du Cid). « The bulls were somehow encastados and we were pleasantly surprised » (Comte de la Maza, Séville). « El Juli is now becoming a major maestro amongst the greatest » (El Juli, toujours Séville).
Etonnant, non ?
Mais l’instant le plus invraisemblable, le plus imaginaire, osons même le plus chimérique, survint lorsque notre compagnon Frédéric Bartholin prit la parole pour présenter « Campos y Ruedos, le livre » aux membres du NYCCT. Il en aura fallu du réel en fuite, pour qu’une nuit de mai à New York, un gars se dresse devant un parterre d’aficionados au teint d’huîtres et leur parle dans leur langue étrange de ce putain de livre… Il y mit tant de cœur que le pellizco courait sur les avants-bras américains comme sur les gigots d’agneau. Même que la dame à côté de moi, une sorte d’Elizabeth Montgomery décatie portant chapeau de sorcière le regardait avec des yeux gorgés de larmes lubriques.
Et Bartholin, de mettre la jambe comme jamais : « Campos y Ruedos deals with toros but not only. It also deals with the campo since the campo is the right place to speak about toros. This is our approach. »
Olé. Palmas. Applauses.
Les choses concrètes seraient donc disparues, siphonnées par personne, rangées nulle part. Le décor qui nous encercle manquerait de tomber et c’est à New York que le trompe-l'œil serait le plus grossier.
Pourquoi pas. Mais ce soir-là le mot « Bullfight » se faisait de plus en plus admissible à mes oreilles, nous regrettions José Miguel Arroyo "Joselito" en anglais, nous marchions vers toutes les arènes du monde sans quitter Lexington Avenue et New York venait de nous convaincre de son charme le plus espéré : oui, tout est réellement possible à ses pieds.
Jean Le Gall

Texte © Jean Le Gall (alias "Patas Blancas"), auteur du roman Requiem pour les trouillards, paru en février 2008 aux éditions Séguier (ISBN 978-2-8404-9532-1), que nous vous avions présenté ici.

Image © François Bruschet

09 mai 2010

Vrac d'un dimanche soir ordinaire


Nous n’y étions pas, mais deux trois coups de fils et les avis convergent. Alors je vous le dis. Madrid, dimanche 9 mai 2010, une après-midi entretenue, des toros souvent nobles, le dernier assassin. De la puissance, de l’émotion. Et Rafaelillo qui confirme l’excellente impression laissée à Arles devant les Miura pas plus tard que le mois dernier. Bref, ils ne se sont pas ennuyés, loin s'en faut.
Sinon, Fabrice Torrito, 500 kilomètres plus au sud, vient de nous dire qu’en ce moment le campo est tout simplement « exubérant » mais que ça ne va pas durer. Alors il faut y aller. Nous allons y aller.
Du côté de New York il fait beau également mais on s’en fout, car il n’y a pas de campo et nous n’y sommes pas. Enfin, Fred oui, mais là aussi, ça ne va pas durer. Dans ce vrac sans queue ni tête d’un dimanche soir ordinaire, la photo ci-contre c’est un énorme morceau de Dolores Aguirre qui décolle dans le ciel de Madrid.
Espérons que les avions de Ryanair auront la bonne idée de faire de même en début de semaine. Nous n'allons tout de même pas nous laisser emmerder par un volcan, islandais qui plus est !
Et le matador, sur la photo, c'est Domingo Valderrama. Mais ce n’était pas aujourd’hui, c’était il y a longtemps. Je l'aimais bien Valderrama. Voilà, c’était juste comme ça, histoire de... Bref, Dolores Aguirre.

05 mai 2010

Une vie de merde

centralparcweb

Nîmes, samedi premier mai 2010, stade Kaufmann.
Bruno Doan ouvre ses cartons, étale ses livres : Camposyruedos, Flamenco en flammes, Conversations avec Claude Viallat, Traje de luces et, bien sûr, In Vino.
Il fait gris, frais, les gens arrivent sans se presser. Je fais la connaissance de Jacques Maigne, qui fut l’auteur avec Jacques Durand de L’Habit de lumière et Guadalquivir.
Je ne le connaissais pas, et nous nous découvrons un intérêt commun et vif pour les vins bourrés de fruit, les vins vitaminés et naturels. Ça tombe plutôt bien. La journée s’annonce prometteuse.
Au passage, ne vous dispensez surtout pas de vous plonger dans ses conversations avec Claude Viallat, le peintre. Vous y croiserez des personnages que vous connaissez sans doute. Un vrai rayon de soleil bien de chez nous. Un régal de livre.
Je m’assois, tripote négligemment mon stylo tout en me disant que les vignerons auront logiquement bien plus de succès que ma pomme.
A cet instant, sans prévenir, comme sorti de nulle part, débarque un type, grand, imposant, que l'on pense timide. Il serre dans ses bras un sac plastique, m’aborde un peu circonspect.
- C’est vous ça ? Campos y Ruedos.
- Euh, oui, c’est moi. Enfin nous sommes plusieurs.
Sourire. Et sans autre forme de préambule :
- Môssieur ! J’ai une vie de merde ! Des clients de merde ! Ma femme me fait chier ! … Heureusement, j’ai un ordinateur ! Je vous lis tous les jours ! Plusieurs fois par jour même. Surtout continuez ! Si un jour je divorce, il se peut que ce soit un peu de votre faute… Alors voilà… Ça fait un peu groupie, mais lorsque j’ai su que vous étiez là, je suis venu avec mon livre, que j'ai commandé, pour que vous me le dédicaciez.
J’en suis resté sans voix, éberlué. Et j’ai oublié de demander à notre lecteur fidèle quel était son métier, et le prénom de sa moitié.
Pas grave, car finalement nous avons tous, quelque part, une vie de merde.

Presque au même moment. New York, Manhattan, Central Park.
Regardez ce cadre new-yorkais. Lui aussi il doit avoir des clients de merde. Une vie de merde à manger des burgers, sauter en courant dans des taxis jaunes. Alors, le week-end, direction Central Park, son ground zero des Beatles, son Jacqueline Kennedy Onassis Reservoir, ses pelouses et son soleil pour s'y détendre et lire Camposyruedos. Si ce n’est pas le début de la gloire ça. Nous sommes presque riches les filles.
Et je vous brinde ce post cher lecteur inconnu, et à vous aussi aussi cher New-Yorkais pressé.

22 décembre 2009

Maybe Harlem...


Robert Doisneau disait qu'il était seulement capable de photographier Paris, son propre univers, qu'il avait bien essayé de photographier ailleurs mais qu'il n'y parvenait pas.
A l'inverse, d'autres ont besoin de s'éloigner, se perdre et se dépayser.
Un des livres photographiques les plus remarquables jamais publiés sur la tauromachie est l’œuvre du dépaysement total d’un type de Minneapolis.
Minneapolis, le Mexique, Madrid et maintenant New York City, Brooklyn.
C’est à Brooklyn qu’il habite aujourd’hui le photographe de Minneapolis. Et c'est au cœur de Manhattan que nous l'avons croisé, "pour de vrai", après des années à s'échanger des e-mails.
- Minneapolis, like Prince !, lui balance notre Tendido69.
- Yeah ! like Prince, sourit Michael Crouser, tout en douceur et en timidité. Un pote à moi l’a photographié, Prince, à ses débuts. Mais bon, c’était les débuts, maintenant les choses ont changé.

Michael Crouser, évidemment vous le connaissez, depuis qu’on vous en cause sur Camposyruedos.
Nous le retrouvons 28ème rue, entre Park Avenue et Madison, dans un restaurant qui s’appelle Pamplona, tenu par de sympathiques Sud-Américains.
Pamplona à New York, pobre de mí, pas de bol, c’est le dernier jour du Pamplona. La crise sans doute. Et puis ici tout va tellement vite. Dommage, le cochinillo asado était d’un fondant à pleurer.

La conversation avec Michael est assez étonnante, nous mélangeons sans trop y réfléchir castillan et anglais, tout en évitant soigneusement le français. Et ça marche ! Ça marche parfaitement.
Michael nous montre les tirages de son dernier travail, sur les cow-boys de l’Oregon. Superbe, mais pas encore d’éditeur en vue. Pour les photographes aussi la crise apporte son lot de complications.

- Dis-moi un truc Michael, tu as cette ville à tes pieds, sous tes yeux. Tu attends quoi pour nous faire le New York de Crouser ?

- Tu sais, pour photographier, j’ai besoin de me sentir loin de chez moi, ailleurs, dépaysé. C'est un peu comme pour tirer, j’ai besoin des odeurs du labo, enfiler ma blouse, la lumière inactinique… Sentir le film sous mes doigts, le faire glisser entre l’index et le majeur pour l’essorer.

Petite parenthèse d'importance. A l’heure du triomphe hégémonique du numérique, Michael travaille toujours en argentique. Il en a besoin, pour se sentir photographe. Ce n’est pas qu’il dédaigne le numérique. C’est plutôt qu’il s’agit pour lui d’un besoin presque physique. Une sorte de nécessité difficilement explicable.
Michael reprend sur New York.
-… Et puis cette ville a tellement été photographiée. Quel regard neuf suis-je susceptible d’y apporter ?

- Ah non, là je t’arrête. Pour le dépaysement, ok, je te suis, mais pour le reste non ! Regarde. Avant toi il y a eu un nombre incalculable de livres publiés sur la tauromachie. Et puis arrive "Los Toros", la vision d'un Américain de Minneapolis, et là… Whaoooooo ! Alors je pense que tu devrais nous photographier New York City, même si je comprends ton problème de non dépaysement !

- (rires) Merci ! Merci ! Mais New York sera très compliquée pour moi. Vous savez, je cherche des photographies « timeless » qui ne soient pas datées, sans marques, sans choses à la mode… Alors New York, ce sera difficile…

- Bon, oublions Downtown, mais Harlem et Uptown alors ! Tu auras des milliers de choses à photographier à Harlem…

- Oui, peut-être Harlem… J’irai y faire un tour un de ces jours…

Peut-être Harlem. En attendant, Michael a envie de s'offrir un mois de San Isidro, sans appareil photo, juste profiter de Madrid et voir de belles corridas…
Pobre de mí.
Plutôt Harlem...

07 novembre 2009

Claude Lévi-Strauss


Il y a quelques jours est décédé Claude Lévi-Strauss. Inévitablement, l’inénarrable... L’occasion pour Xavier Klein de nous offrir le texte suivant que nous nous permettons de reprendre ici intégralement tout en vous donnant le lien. ¡Enhorabuena Xavier!

DSC_3972P

L'humanité est constamment aux prises avec deux processus contradictoires dont l'un tend à instaurer l'unification, tandis que l'autre vise à maintenir ou à rétablir la diversification.
Race et Histoire, 1952.

Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies questions.
Le Cru et le Cuit, 1964.

Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui.
Tristes Tropiques, 1955.

D'aucuns s’émeuvent du décès d’une princesse d’Angleterre, d’autres de tel chanteur ou de tel acteur, on me pardonnera ici de m’affliger de la disparition de Claude Lévi-Strauss.
Non pas qu’elle fut prématurée, 100 ans, presque 101, c’est un âge plutôt confortable pour le grand voyage, d’autant que Claude Lévi-Strauss lui-même pensait qu’il n'avait que trop vécu.
Plutôt parce qu’avec l’un des derniers témoins d’un esprit et d’une culture français, héritier des lumières, disparaît une certaine pratique de l’intelligence, qui ne se préoccupait en rien de l’agitation fébrile du temps, mais au contraire s’inscrivait dans l’éternité et l'universalité de la pensée humaine.
Enfin, parce que l’ayant connu, ayant assisté à plusieurs de ses interventions en Sorbonne, ayant conversé avec lui, grâce au truchement du Professeur Pitt-Rivers (cf. dans le blog), j’avais pu apprécier, très imparfaitement certes – quand on bénéficie de la jeunesse, l’ouïe est meilleure mais l’écoute déficiente - la puissance de sa pensée, la rigueur de sa logique et la grandeur de son autorité.
A l’époque, j’appartenais à un courant de pensée qui commençait à remettre sérieusement en cause le structuralisme et l’anthropologie structurale, ce qui n’empêchait nullement le respect dû au maître.
Ce décès annonce malheureusement le déclin, quasi irréversible, de notre culture, dans sa dimension universelle, et l’on comptera désormais sur les doigts d’une main qui se referme inéluctablement les derniers tenants d’une pensée haute, libre et puissante (René Girard, Michel Serres).
Désormais commence la dictature de celle du court terme et de l’utilité, la péroraison des médiocres, le triomphe des "philosophaillons", le sarkosysme intellectuel en quelque sorte (superbe antinomie) !

Que vient faire Lévi-Strauss dans ce blog "d’humeurs taurines et éclectiques" ?
C’est que contrairement à l’opinion de certains qui se piquent de savoir, sans s’être donné la peine de connaître, avec ce vernis culturel qui ne s’impose qu’aux sots ou aux naïfs, le cher Claude s’intéressait particulièrement à ce phénomène si singulier qu’est la tauromachie, qu’il qualifia un jour dans une conversation de « survivance extraordinaire et atypique ». Il suivit d’ailleurs avec intérêt les travaux de Julian Pitt-Rivers sur ce sujet.
Il portait sur le monde, sur la fin de sa vie, une vision plutôt pessimiste, ou pour le moins désabusée, déclarant en 2005 : « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales ; et que du fait même de sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne - si je puis dire - et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n’est pas un monde que j’aime. » (France 2 émission "Campus" du jeudi 17 février 2005)
La dernière fois que je l’ai rencontré, en 1984, j’ai évoqué avec lui et avec Pitt-Rivers, une tauromachie qui allait déclinant, dévorée par l’emprise économique, dont le contenu symbolique, la signification du rituel disparaissaient sous les coups de boutoirs de l’exigence commerciale, de l’évolution du marché diraient certains.
Il était là aussi à la fois réaliste et pessimiste, ayant vu périr ces cultures, ces tribus qu’il avait fréquentées. J’avais noté son appréciation : « Tout cela terminera en mascarade, comme les indiens qui font la danse de la pluie pour réjouir les touristes. Les seules cultures qui résistent sont celles qui ne composent ni avec leurs valeurs, ni avec leurs modes d’expression. En la matière, l’intransigeance paye. »
Las Vegas vient célébrer en fanfare l’aboutissement d’une logique enclenchée par les mêmes apprentis sorciers qui, avec des pudeurs de vierges outragées, à grands coups de cris d’orfraie, en condamnent la caricature. La même tartufferie que nos élites économiques et politiques qui appellent à moraliser un libéralisme qu’ils ont promu et choyé.
Lévi-Strauss était un philosophe de l’impermanence, une notion bouddhique dans laquelle il se retrouvait. Il savait que certaines choses se perdent à jamais, ou comme l’écrivait Buddhaghosa dans le Visuddhimagga au Vème siècle de notre ère : « L'impermanence des choses, c'est l'apparition, le passage et la transformation des choses ou la disparition des choses qui ont commencé à être ou qui ont apparu. Cela signifie que ces choses ne persistent jamais de la même façon, mais qu'elles disparaissent et se dissolvent d'un moment à l'autre. »
Pour aller dans le fil de sa pensée, la tauromachie survivra peut-être, mais son adaptation se fera au prix de la perte irrémédiable de son contenu symbolique et de son signifiant rituel pour se muter en simple objet économique, uniquement gouverné par des contraintes marchandes.
Cela en vaut-il la peine ?
Pour répondre ici très clairement, je dirai, qu’en ce qui me concerne, je défendrai une tauromachie qui ait du sens, je défendrai une éthique, je ne me battrai jamais pour défendre les intérêts des négociants qui s’en sont emparés.
De ce point de vue, l’intervention de Jean-Michel Mariou dans l’émission « La voix est libre » de France 3 AQUITAINE du 24 octobre 2009, m’a paru marquée au coin du bon sens, et éviter la platitude des propos convenus et de la langue de bois taurine qui ne manque jamais de foisonner dans un type d’exercice de style qui prédispose aux sempiternels discours "tauromachiquement corrects".
Laissons le dernier mot à Roger-Pol Droit qui a superbement résumé l’homme dans un article du Monde : « Dans une époque pressée, confuse, massivement portée à la veulerie et au simplisme, l’homme passait fréquemment pour distant. Tous ceux qui eurent la chance de l’approcher peu ou prou savent combien cet esprit universel, profondément attaché à la dignité de tous peuples, savait être proche, amical, fidèle et chaleureux, surtout si l’on avait su tenir le coup sous son regard, le plus acéré qui fût.
Hautain ? Non. Seulement exigeant, suprêmement intelligent, et peu enclin au mensonge. Cela fait évidemment beaucoup de défauts, surtout si l’on est en outre l’auteur d’une des œuvres majeures du XXe siècle. Dans la cacophonie de l’heure, une partition exemplaire. Et l’élégance altière, à côté du solfège, d’un musicien de l’esprit
. »
On comprendra que la récupération de Lévi-Strauss par certaines plumes frise au mieux le ridicule (sanctionné par un contresens magistral), au pis l’obscène.
Xavier Klein

PS Pour l’anecdote, Lévi-Strauss s’amusait de mon patronyme. Il avait en effet utilisé la notion de "groupe de Klein" dans un ouvrage majeur : « Les structures élémentaires de la parenté ».

07 septembre 2009

MoMA... Final de trayecto...


Salies-de-Béarn, juillet 2009. Place du Temple, rue du Sanglier. Des espadrilles, catalanes. Adolfo, la pandilla, Santa Coloma, le Pesqué. Septembre 2009. Un mois dix jours et sept heures d’avions plus tard. New York, le MoMA. Les espadrilles, toujours catalanes, en plein Manhattan. Zapateo, tablao new-yorkais. Toreo de salon. Ruedo ricain. Tu ne le sais pas, mais à New York il y a un bar qui s'appelle La Boquería et un autre Pamplona. Et moi je ne sais pas si on y cause toros. Courir, marcher, la tête dans les gratte-ciel, toréer les taxis jaunes, de la pointe de l’espadrille. Du pico de l’espadrille, catalane du Béarn, de Salies. Salies, New York, Manhattan. Otro loco. La noche de Nueva York los colecciona a puñados. Y a los idiotas como yo tambien. Asunto de faldas… ¡Olé! Y hasta muy pronto.

MOMA

25 mars 2009

Street shots


Après Flickr, nous restons dans l’univers photographique ; un univers totalement professionnel cette fois-ci puisque Bruce Gilden est membre de la très prestigieuse agence Magnum.

Gilden sillonne quotidiennement Manhattan, son Leica en bandoulière. Bienvenue à New York. C'est complètement hors concours, et totalement hallucinant... Enjoy.

25 octobre 2008

Trois morceaux de jazz à New York City


«
Messieurs, vous n’avez que trois morceaux... ensuite, terminé !»
C’est chaque fois pareil, dès que nous avons en ligne de mire une pointure, un gros poisson, le temps imparti aux photographes est limité, très limité.
Personne à ce jour n’a été capable de m’expliquer réellement pourquoi, si ce n’est que c’est clairement et méticuleusement imposé par les managers, imprimé noir sur blanc dans les contrats.
C’est curieux je dois dire. Je comprendrais plus aisément que l’on nous interdise carrément, mais pourquoi trois morceaux, ou deux, ou cinq minutes ? Mystère.
J’imagine le service d’ordre des grandes arènes françaises nous faire le coup : « Messieurs ! Aujourd’hui toréé… José Tomás ! Alors vous n’avez que trois toros… ensuite, terminé ! »
Malaise et frustration. A la réflexion je me dis qu’il est même étonnant que le monde taurin n’ait pas encore songé faire quelques misères aux photographes. Il est fort probable que la faible manne financière qu’est susceptible de générer cette activité en soit l’explication la plus plausible.
Dans le cadre des concerts de jazz, les choses sont ainsi réglées, il n’y a pas a discuter : "Messieurs, vous n’avez que trois morceaux..."
Alors c’est le stress, et la frustration à venir. Il y a le problème du choix de l’angle, un choix primordial qu’il sera difficile d’améliorer, et qui peut s’avérer fatal comme ça a été le cas pour moi, vendredi soir, pour le concert d’un monstre de batteur : Roy Haynes. Alors on a fait ce qu’on a pu.
Roy Haynes un p’tit gars de quatre-vingt-deux balais qui a débuté sa carrière dans les années 40, qui a joué avec Luis Russell, Luis Armstrong, Billie Holiday, Miles Davis, Charlie Parker, John Coltrane, et cetera, et cetera. Roy Haynes, quatre-vingt-deux balais et un charisme qui n’a d’égal que son énergie, qui semble inépuisable. Deux heures de concert. Le type t’annonce que tu n’as que trois morceaux, et dès que ça commence tu comprends que tu as choisi la pire place pour shooter, et que tu ne pourras plus bouger… On a fait ce qu’on a pu. Roy Haynes qui entre deux morceaux discute avec le public, s'amuse avec lui, et s’en prend au type qui a imprimé le programme et lui reproche les fautes d’orthographe concernant les noms de ses jeunes musiciens : « Ces gars-là arrivent de New York city ! Alors ça aurait été bien que leurs noms aient été correctement écrits !... bon… alors... What you want to listen to now ?… Any other question ? »
Je me demande s’il est possible de photographier dans les clubs de jazz de New York City, juste trois morceaux.

12 août 2008

En attendant Parentis... New York !


Quelques commentaires ont été postés sur les courses de Parentis. Campos y Ruedos ne peut être partout car, d’une part nous n’avons aucune prétention à l’exhaustivité et, d’autre part, nous ne nous sentons obligés de rien, surtout pas d‘éviter les hors sujets et les élucubrations personnelles en tous genres. Si nous ne sommes donc pas partout nous étions évidemment à Parentis, par choix et par conviction, pas par obligation. De la même manière nous serons à Carcassonne. Parentis, une féria sur laquelle nous allons revenir très rapidement et assez longuement. En attendant, voici un cliché totalement hors sujet car vous savez tous que nous adorons le hors sujet. En fait ce n’est pas spécialement hors sujet puisque le thème est purement photographique. Voici donc une image signée André Kertész, un immense photographe. C’était à New York en 1972. Etonnant non ? Vous avez dit prémonitoire ? Emouvant en tout cas, voire dérangeant, ou troublant. C'était juste vingt-neuf ans avant... Tiens, ça n'a rien à voir mais demain je vais faire un tour à Arles pour les RIP. Si ça me prend je vous fais une galerie... totalement hors sujet.

>>> N'oubliez pas aussi, en attendant Parentis, qu'une galerie de la (bonne) miurada de Bayonne est consultable sur le site à la rubrique RUEDOS.

23 mars 2008

Jaydie Putterman

Lorsque les corridas sont mauvaises, et ça arrive, le voisinage immédiat a une grande importance. Il peut même vous sauver la journée, ou vous la gâcher, c’est selon. Il peut vous gâcher une bonne course, alors une mauvaise... Bon, cette année, au niveau du voisinage arlésien je suis très bien tombé, heureusement...

Ça a commencé comme ça (faut imaginer un putaing d’accent new-yorkais) :
— Bonjour, tu es d’où toi ?
— Euh... de Nîmes... et toi ? Avec ton drôle d’accent... (Là, faut imaginer un putaing d’accent nîmois.)
— D’où je viens ? Ou plutôt où j’habite ?
— Euh... ben les deux...
— Je suis originaire de Manhattan... et je vis à Villeneuve-lès-Avignon...
Vu que je ne parle pas trois mots de new-yorkais j’ai été immédiatement très impressionné par la prononciation du H de Manhattan. Un H un peu comme une paire de gratte-ciel, sans mauvais jeu de mot ou mauvaise arrière pensée... Of course.
— Ah... Et c’est quoi ton optique ?
— C’est pas une optique, c’est un Zeiss !

Donc, cette année j’ai eu de la chance question voisinage. Heureusement parce que question toros...
Ce type est donc un putaing de New-Yorkais qui vit depuis de nombreuses années à Villeneuve-lès-Avignon. Il a même épousé une Française. Mais il l’a rencontrée à New York. Oui, New York, sinon l’histoire ne se tient pas.
Je l’ai évidemment mitraillé de questions. Nous avons évoqué plein de choses, des choses qu’il a connues, vécues et photographiées... Of course !
Tenez, en vrac : Janis Joplin, Woodstock (si, si, il y était, dans la boue), Jimi Hendrix (là, c’était en studio d’enregistrement, à New York), Nimeño II (un reportage pour The Rolling Stones) Cartier-Bresson, Jean-Yves Brégand, le tireur de Jeanloup Sieff qui a aussi bossé pour Jaydie... et puis le MoMA qui lui achète des tirages...

— T’as pas connu Warhol quand même ?
— Non... Je suis arrivé juste après... (Faut encore imaginer un putaing d’accent new-yorkais.)

Trop tard... et puis tant mieux, parce que demain ce sont les Miura... On peut rêver, non ?

Lien utile : le site de Jaydie.