10h30, un callejón plein à craquer, les mozos de espada qui ouvrent le paseo en traversant le ruedo avec le barda, les cuadrillas s’installent aux planches et les chasseurs de banderilles prennent position. Il fait beau, le décor est planté. Difficile d’ouvrir la porte du toril sans presser cette foule déguisée, bigarrée, attentive et joyeuse.
Les novilleros sont chez eux, on ne leur demande pas la lune. Sauf que... Ils doivent accepter les incessantes interventions des oiseaux de proie qui sont à l’affût de la moindre banderille tombée ou de la devise, aux volumes impressionnants et qui sont autant de trophées glorieux. Deux règles : éviter d’intervenir dans la lidia (pas évident) et arracher absolument sur l’estribo le harpon dés que l’on atteint la barrière sous l’ovation.
Tout cela suppose une grande connivence avec les habits de lumière qui dénotent presque dans cet apparent capharnahüm.
Cela exige aussi un réel sens de la lidia pour tout le monde et les novilleros travaillent à l’ancienne avec quelques plongeons dans le paquet humain du couloir où personne ne se blesse car la figura est récupérée par des dizaines de bras bienveillants qui la restituent ipso facto à la piste.
Autre aspect intéressant : entre chaque novillo, la foule envahit le ruedo et se prend en photo, papote avec les cuadrillas et les matadors qui semblent être les cousins ou les voisins de chacun. (Ils n’ont pas encore entendu parler du règlement de l’UVTF.) Il faut bien quinze minutes pour dégager le ruedo et on recommence... six fois !
Une novillada dure donc environ trois heures et l’on en a pour son argent puisqu’en plus c’est gratuit et que ça recommence le soir.
Les rares banderilles restant accrochées aux novillos estoqués sont volées à l’arrache et l’arrastre n’a plus qu’à fendre la foule qui s’écarte avec plus ou moins de réussite. On a pu voir un jeune policier municipal étourdi éjecté par une mûle.
Emilio Huertas est ici une star, 1m85, 80 kg, la trentaine, et une grande qualité : l’afición.
Pour le reste... Il torée comme au temps de Bombita des novillos parfois sérieux (son excellent second de la course) et plutôt aféités (toute la course).
Bref, quelques volteretas, accrochages et quelques engueulades sans conséquence.
Le soir, l’hamonie municipale, très soignée, interprète des pasodobles inédits, la vieille Espagne danse sur la jolie Plaza Mayor, pas de gobelets, et des montagnes de cortezas de cerdo épouvantablement maison...
Endroit possible pour routards tauromaches inaptes aux «tendances lourdes».
Mario Tisné