Tabernero de Pinto
Rien n’a changé un an après. Le mayoral (Juan García García) nous connaît mieux à présent. Il parle avec plus d’aise et parfois même surprend par un rictus proche du sourire. La 'Carreterra' et la 'Pajarilla' sont toujours là à distance l’une de l’autre. Entre elles, des veaux et deux sementales flambant neuf. La saison de recorte s’est très bien déroulée aux dires de Concepción et toute la future camada est vendue, déjà. Sur les affiches, ils sont annoncés Conde de la Corte « puros ». Elle est sûre ainsi de les voir sortir en piste. Quand elle a dit ça, le mayoral a baissé le regard vers le sol trempé et a souri sèchement en travers de son austérité naturelle.
— Je ne vais quand même pas leur dire que ce sont des Saltillo, ils ne se mettraient pas devant. Même en recorte...
Derrière le muret de pierres grises, les encinas ne murmurent plus qu’au vent. Les mâles sont maintenant plus bas, plus loin encore des regards. En les observant, les interrogations du premier voyage ont ressurgi dans l’instant. Saltillo ou pas ? Conde de la Corte ou non ? En y regardant de plus près, aucun des deux sangs ne semble avoir pris le dessus sur l’autre, même si le Saltillo tend à dominer par le nombre de bêtes et par l’évidence de certaines de ses caractéristiques.
Miguel Zaballos, le verbe toujours passionné quand il évoque ses toros, nous avait indiqué que les Saltillo étaient reconnaissables, entre autre, par leurs couilles au format réduit. Alors, depuis la vitre baissée du coche rouge de Juan, l’œil acéré pointé sur les derrières de jeunes mâles, nous avons scruté le moindre testicule, évalué à distance respectable la taille de ces roubignolles bonsaïs, jaugé avec le plus grand sérieux une petite vingtaine de valseuses à peine adultes. Et Miguel avait raison. Ils avaient tous ou presque une paire taille S à des années lumière du XXXL ostentatoire d’un semental colorado croisé jadis sur les terres du Conde de la Maza (Núñez). Lui faisait carillonner ses cloches majuscules par les caresses tièdes de jeunes herbes folles du printemps andalou.
Rien n’a changé un an après. Les Tabernero de Pinto restent une petite énigme dans le panorama actuel de la cabaña brava. Ils demeurent superbes mais les yeux presque tombant de certains colorados hocico de rata paraissent porter en eux le malheur essentiel du taureau de combat : ne pas combattre comme des toros.
En quittant la finca "La Cabrera", je me dis toujours un an après que les vaches de Concepción "scrutent le vide vert, en vain. Personne ne viendra, personne n’est jamais venu de toute façon. Sous leur mufle, pourtant, toutes les heures, filent les faiseurs de carteles, accoucheurs d’idées rondes et bien lisses vendues comme une fabrique de rêves quand pointent les lumières plus vives de l’été". Ça restera longtemps...
>>> Retrouvez la galerie des Tabernero de Pinto 2008 sur le site www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.
Photographies 'Carreterra', vache de Tabernero de Pinto, & un détail de la finca "Cabrera" à Las Veguillas.