28 juin 2010

Afición


Maintenant que la phase finale a commencé, sans l'équipe (sic) de France, la Coupe du Monde de football retrouve un peu d'intérêt... J'aime bien le football. Une partie de foot a toujours été pour moi une partie de plaisir. Je ne sais pas si j'ai oublié d'être gosse mais, une chose est sûre, je n'ai pas oublié les moments que j'ai pu passer balle aux pieds. Le gamin de 1973 se souvient comme si c'était hier, et pour encore longtemps j'espère, du coup franc de Platini contre les Pays-Bas un soir d'automne 1981, des cartes Panini échangées à la récré — je te passe Strachan, tu me donnes Passarella —, du dantesque France-RFA de Séville (1982), de la boulette d'Arconada en finale de l'Euro 84 — qu'est-ce qu'on a pu se moquer —, de la frappe de sourd de Battiston avec les Girondins contre la Juventus de Turin en 1985 — et de l'horreur du Heysel quelques jours plus tard —, des relances rageuses de Fernandez et des tacles parfaits d'Amoros (Guadalajara, 1986), ou de mon frangin qui, de son pied gauche diabolique, trouvait des angles impossibles — sac ou pull rentrant, pull ou sac rentrant —, etc. À chaque année ses joies immenses et ses grandes peines — qui pour me consoler d'une relégation du S(E)C Bastia ? Je m'arrête là, car on n'en finirait pas. Oui, j'aime le football du temps où j'étais môme ; un football que j'ai en partie revécu à la lecture d'un article de Laurent Rigoulet, paru dans Télérama, et dont voici quelques extraits qui parleront à certains et pas à d'autres. Ou comment partir du foot pour toucher aux toros...

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« On a beau passer la maison au peigne fin, on ne trouve pas de télé. Pas la peine de s'en étonner, notre hôte bougon en serait probablement froissé. Ici, le football est une affaire sérieuse. On en parle plus qu'on ne le regarde. Il se vit au stade, au pub éventuellement, mais, entre les murs de cette bicoque ouvrière de Liverpool, c'est une source de réflexions infinies, un objet d'étude et d'auto-analyse. [Rogan Taylor] est anglais. De Liverpool. La ville de Bill Shankly, coach légendaire des années 60, à qui un journaliste disait un jour : "Mais, le football, ça n'est quand même pas une question de vie ou de mort ?" — Réponse : "Vous avez raison, c'est bien plus que ça !" »

« Non contents d'avoir donné au monde un sport qui compte près de deux cent cinquante millions de pratiquants [...], les Anglais ont aussi inventé une forme de conversation particulière, qui part du football pour toucher à tout, au rock, à Dieu, à Marx ou Picasso... Une causerie qui oscille entre discours, fables et bavardage et prend souvent des tours illuminés. »

« Quand le football a commencé à devenir festif, latin et brésilien, nous nous sommes fait un devoir de rappeler la poésie de ses origines : la pluie, la boue, les stades des quartiers ouvriers où nous prenions place à côté de nos pères taciturnes pour regarder une équipe qui ne gagnait jamais. » Robert Smith, chanteur de Cure.

« Le football nous fera toujours souffrir parce que c'est une invention d'une extraordinaire perversité, affirme Rogan Taylor. La balle au pied : une idée délirante qui revient à demander l'impossible aux joueurs, à les condamner à l'imperfection permanente. [...] Du coup, la vie dans un stade est faite de douleur et de déception, on appréhende, on endure, on se résigne, on chante pour se donner du courage, on sent que rien ne se passera comme on veut. Et 99 % du temps, c'est le cas. L'amour du football est une longue affliction traversée d'éclairs divins ! »

« Le football est-il puritain ou sexy ? Rugueux ou sensible ? Anglais ou sud-américain ? Le monde se divise-t-il toujours entre le "romantisme" du football latin, le "drame" germanique, le "lyrisme" des équipes de l'Est et la "virilité" du jeu anglais ? »

« [L]e football, dit Rogan Taylor, a toujours vécu dans le souvenir d'un esprit de solidarité. Maintenant que le prix des entrées au stade est devenu prohibitif et que le kop n'est plus le kop, des cercles se reforment ailleurs, dans les pubs autour des écrans géants... »

>>> Laurent Rigoulet, « De quoi devenir foot », Télérama n° 3152, du 12 au 18 juin 2010, p. 30-34.

Images vintage Des supporters : ceux de Liverpool massés debout dans le kop d'Anfield Road (années 70) Une équipe : les Bleus de la demi-finale 1982 entraînés par Michel Hidalgo (de haut en bas et de gauche à droite : Marius Trésor, Jean-Luc Ettori, Gérard Janvion, Manuel Amoros, Maxime Bossis, Jean Tigana, Dominique Rocheteau, Bernard Genghini, Alain Giresse, Michel Platini et Didier Six) Un stade de football : un vrai, le mythique Sarrià de l'Espanyol de Barcelone détruit en 1997 (photo : César López/Wikipédia).