24 septembre 2007

¡Torero! ¡Torero!


Barcelone, dimanche 23 septembre 2007. Intense émotion, peut-être plus encore que le 17 juin dernier. La Monumental catalane est encore pleine à craquer, plus qu’en juin même. Il faut dire que la revente a calmé le jeu. Une ultime vuelta. Un petit bonhomme au cœur grand comme ça. Il sourit, visiblement heureux, tel un gamin, et fait sa vuelta, sa dernière. C’est César Rincón bien sûr. Il doit être quelque chose comme vingt heures. Je ne sais pas. Cela n’a pas d’importance, et je ne regarde pas ma montre de toute façon.
Et la Monumental de Barcelone, pleine à craquer, n’est qu’un cri, une clameur : "¡Torero! ¡Torero!"… Enorme. Le pellizco, les yeux rouges. "No nos dejes maestro" hurle le type dans mon dos, des sanglots dans la voix.



Avant ça, tout avait débuté sur des chapeaux de roue. César reçoit son premier à la cape par parones et une demie "torerissime". On le sent motivé. José Tomás s’avance, se prépare lentement pour un quite par gaoneras. Le cornu s’échappe, fuse, ne voit que le maestro de Galapagar et se jette sur lui, à très vive allure. Tomás ne bronche pas d’un seul petit millimètre, détourne la charge, temple, et enchaîne avec un quite por gaoneras d’un autre monde, intergalactique. César, le vieux César, bombe le torse, se dirige vers le centre et réplique par trois ou quatre chicuelinas serrées, aguantées, superbes. On le sent tendu, jettant ses dernières forces dans cette bataille. La plaza explose, exulte. Nous sommes aux anges, heureux. La faena sera marquée du sceau de la maison, du sceau de la vérité du toreo éternel, la muleta plancha, la distance juste et généreuse, et tout ça conclu par un superbe recibir – à l’encuentro ou à un tiempo peut-être… Deux oreilles. Ça ne fait que commencer, et César, déjà, pour sa dernière, sortira par la Grande Porte.




José Tomás est apparu serein, sûr de lui, bien dans ses zapatillas. Je conserve dans ma rétine quelques derechazos rematés au niveau des chevilles en se gardant le toro pour enchaîner immédiatement, lier sans temps mort. Mais ce sont surtout les quites, le toreo de cape de José Tomás qui aujourd’hui m’aura le plus touché, les gaoneras et ensuite des caleserinas, faroles. Et toujours cette quiétude, même si à mon sens il a quelque peu séché avec son second, malgré une incroyable série finale de derechezos en se passant le toro à la ceinture, près, très près.

En ce qui concerne l’évolution du toreo de José Tomás, je le trouve plus serein, plus réfléchi qu’avant son départ, mais par contre moins croisé que ce qu’il était auparavant. Dimanche il n’a pas forcément mis son corps là où les autres mettent leur muleta. C’est plus une constatation qu’un réel reproche. Car son toreo semble s’être débarrassé de quelques scories « verticalistes » de son ultime période pour s’orienter vers quelque chose de plus classique, de plus pur encore. Sans doute a-t-il mûri, et nul doute qu’il sera passionnant de le suivre en 2008 dans les arènes de responsabilités où il devrait se produire.

Sérafin Marín a été digne, se l’est jouée – c’était le jour ou jamais ! – mais évidemment resta très en deçà des deux immenses maestros qui l’on précédé aujourd’hui. Mais lui aussi est entré au quite. Aujourd’hui nous avons vu les trois maestros faire des quites et y mettre leur coeur et même plus. Ça existe encore. Alléluia !
Et le bétail me direz-vous ? J’entends déjà des ricanements. Eh bien, mes bien chers tous, le bétail : six toros de Núñez del Cuvillo, cinq ans y con toda la barba. Cinq ans moins un mois ou deux pour la première partie et cinq ans révolus pour la seconde. Et des pitones et du trapío. Comme quoi il n’est pas une fatalité que de devoir supporter des rats imprésentables lorsque José Tomás est au paseo. Plus qu’attaché à José Tomás, le rat imprésentable est en fait l’apanage de certaines arènes à l’ego surdimensionné. Et Barcelone n’est ni Madrid ni Bilbao. Allélulia !
Le problème, d’ailleurs, n’est pas tant d’opposer les courses toristas aux courses toreristas mais d’exiger de ces dernières un bétail de respect comme ce fut le cas dimanche à Barcelone.
Le seul bémol, et de taille, est que ces animaux n’auront été que très peu piqués, la deuxième rencontre donnée pour la forme. C’est désolant mais c’est ainsi. Par contre, et après avoir souligné ceci, force est de constater qu’il n’y a pas eu de génuflexions, que les cornus (oui j’insiste : les CORNUS ! Seul le second de Rincón, jabonero, était plus commode) sont arrivés parfois presque crus au troisième tercio et qu’il y avait du toro à toréer, pas des bédigues. Bref, grande journée que nous ne sommes pas prêts d’oublier.