C’est un mariage loin, très loin de chez moi. C’est un ami très cher qui fait le grand saut et tout le monde est heureux.
Ça se passe en fin de soirée quand la pensée et la logique sont aussi claires qu’un bon vieux Médoc. Ça se passe dans les évanouissements des lentes volutes de cigares ramenés de Cuba par un pote andalou. Ça se passe avec une cravate autour du cou, desserrée, dans un accoutrement de pingouin.
Il n’y a pas grand-monde ici qui goûte les toros, la géographie fait foi.
C’est un couple sympathique qui m’entoure, eux aussi viennent de chez moi, de mon "pais".
Eux aiment la corrida, ils me le disent rapidement et les mots déferlent ; c’est Waïmea par gros temps tellement il y a de choses à se dire dans ce no man’s land de la passion toro.
Lui connaît du beau monde, un « grand » empresario de France. Il a même la chance de dépoussiérer des coins de callejón de temps en temps. Oh la veine ! Le Bourgogne passe comme de la chantilly sur des fraises l’été et nos esprits s’épaississent maintenant comme ces Madiran rugueux que le tanat enrobe. Maintenant, on se dit ce qu’on pense vraiment, le temps des véroniques et autres cajoleries de bienséance est révolu.
Un quart d’heure plus tard, je suis un ayatollah et la corrida ne survivra pas avec des réacs de mon acabit. Le mot est lâché. Ayatollah ! Il s’emploie aujourd’hui comme on boit un café le matin, naturellement… Une évidence.
C’est la troisième fois en un mois que je suis qualifié (mais le mot juste serait plutôt « traité ») d’ayatollah.
Alors, Messieurs les "insulteurs", voilà ce que je vous réponds du haut de ma fenêtre minaret, vêtu de mon caleçon Mickey, rasé tout frais et la voix éraillée (n’en déplaise à certains, on n’a pas tous la barbe chez les ayatollahs).
Oui ! Je suis ce que vous dites. Un ayatollah, un casse-c..., un réac, un chiant de torista, un obsessionnel de la technique et de la belle lidia, un drogué du trapío adéquat, un taré de piques (de bonnes piques), un « enculeur de mouches » de l’estocade en place… Un dinosaure en somme.
Je ne le crie pas pendant les corridas, la discrétion m’étreint le plus souvent. Je commence à croire que j’ai tort finalement.
Oui j’en ai assez (et le mot ici est un euphémisme) de voir assassiner des toros de combat qui ont le seul tort d’être braves ou trop (!) encastés. Je suis repu de voir des cornes afeitées terminer en brosse à gratter le dos. Ah ! Erreur ! Veuillez accepter mes excuses, sérénissimes « modernes », on n’emploie plus de nos jours le mot afeitado, hérétique comme moi. Veuillez m’en excuser encore. Je corrige. Je suis repu, donc, de voir des cornes "arregladas" terminer en brosse à gratter le dos. Je suis écoeuré qu’une empresa puisse laisser sortir dans le ruedo des toros visiblement (au sens littéral du mot) malade comme ce 5° Santiago Domecq auquel l’« immense » Castella coupa deux feuilles de chou à Bayonne. Ecoeuré, car cela est insultant pour le toro, pour le succès du maestro et surtout pour moi, stupide payeur, qui n’a pas droit à son callejón ni même à voir gratuitement les bichos dans les corrales. Pourtant, il y a écrit « limpio » sur l’affiche ; mais les abcès poussent très vite chez les Domecq peut-être. Je suis assommé d’assister tous les après-midis à cette parodie de tercio de piques, assommé de constater que l’on n’applaudit plus, actuellement, que le dosage ou le fait de ne pas piquer du tout (corrida-concours d’Aire-sur-l’Adour, Garcigrande de Bayonne, Gallon à Orthez…). Assommé ? Oui, assommé.
« Ras le bol », et passez-moi l’expression, aussi, de ces peones qui gueulent, hyènes dans la savane, pour attiser le feu de cette nouvelle obligation de nos grisâtres sociétés : l’émotion. Donnez-nous de l’émotion, faites nous vibrer… Adages fallacieux.
Oui, je suis éreinté de devoir observer ce toreo profilé que les matadors photocopient à l’envie et se refilent entre eux comme les étudiants, par manque d’argent, photocopient les manuels au programme. Je suis las de voir des paires de testicules exhibées devant des brosses à gratter (arregladas bien-sûr), de ce toreo trémendiste et au plus près qui ne torée pas mais qui « émotionne » nos gentils publics. Comment leur en vouloir à ces gentils publics ? Formés aux tertulias et autres conférences menées par ceux-là mêmes qui organisent, disposent et critiquent. Je ploie sous l’affliction de lire ces reseñas consensuelles, ces papiers bien léchés (parfois) qui ne disent que ce qu’il convient de dire et dissimulent l’essentiel : le toro. Comment peut-on écrire que tel lot de Victorino Martín (qu’il est de bon ton de porter aux nues après ces années de triomphes plus ou moins justifiés) fut grandiose quand aucun des six gris ne s’employa correctement sous le peto ? Qui dira un jour, qui osera coucher sur une feuille blanche que notre chauve « paleto » ne produit plus que des toros de troisième tiers, d’une noblesse piquante et encastée certes, mais chez qui poder et bravoure n’ont qu’une signification bien mince ? Qui dira, parmi les critiques les plus lus (presse taurine régionale, gros site Internet), que le lot de Garcigrande sorti à Bayonne en septembre n’était qu’un nid de pseudo-toros, de trucs à quatre pattes et deux cornes (douteuses pour certaines) n’étant là que pour faire s’ouvrir « les flacons » de la beauté torera et tomber les cartilages ? Qui ? Qui ?
Je n’ai rien contre les « artistes » mais bon dieu qu’on leur mette un vrai outil de travail sous les plis de la muleta. Que sera Morante (et c’est pourtant de lui que j’ai vu les plus belles véroniques de l’année) devant un toro de combat ? Que devient l’énorme aura de Castella hors de ses engagements madrilènes ?
Taxez-moi d’ayatollah si vous le désirez, insultez, méprisez ces « gros cons » qui ne font que râler et ressasser d’horribles antiennes anachroniques. Faites comme ce correspondant radio d’une onde locale à notre cher Sud-Ouest et déclarez que les siffleurs n’y pipent rien et n’ont qu’à sortir s’ils ne sont pas contents. C’est cela aujourd’hui le must : "Tu la fermes ou tu sors !"
Je ne sortirai pas messieurs que j’abhorre. Je vais rester et vous agacer, vous faire grogner même si vous me prenez de haut. Vous tous, ceux qui pour moi sont les vrais ayatollahs car vous imposez une traître vision du toro de combat, car vous ne mettez pas votre science (et vous en avez c’est certain et obligé) dans le sens de la défense d’un spectacle qui pourrait être beau, bien mené et respectueux d’un magnifique animal, car vous mentez par omission ; vous tous donc qui me prenez pour un fou et un réac, je vous montrerai bien le verso de ce qu’il y a sous mon caleçon Mickey.
Sur ce, je vais écouter « Samba triste » de Baden Powell, c’est un peu comme les corridas, magnifique mais souvent triste.
Ça se passe en fin de soirée quand la pensée et la logique sont aussi claires qu’un bon vieux Médoc. Ça se passe dans les évanouissements des lentes volutes de cigares ramenés de Cuba par un pote andalou. Ça se passe avec une cravate autour du cou, desserrée, dans un accoutrement de pingouin.
Il n’y a pas grand-monde ici qui goûte les toros, la géographie fait foi.
C’est un couple sympathique qui m’entoure, eux aussi viennent de chez moi, de mon "pais".
Eux aiment la corrida, ils me le disent rapidement et les mots déferlent ; c’est Waïmea par gros temps tellement il y a de choses à se dire dans ce no man’s land de la passion toro.
Lui connaît du beau monde, un « grand » empresario de France. Il a même la chance de dépoussiérer des coins de callejón de temps en temps. Oh la veine ! Le Bourgogne passe comme de la chantilly sur des fraises l’été et nos esprits s’épaississent maintenant comme ces Madiran rugueux que le tanat enrobe. Maintenant, on se dit ce qu’on pense vraiment, le temps des véroniques et autres cajoleries de bienséance est révolu.
Un quart d’heure plus tard, je suis un ayatollah et la corrida ne survivra pas avec des réacs de mon acabit. Le mot est lâché. Ayatollah ! Il s’emploie aujourd’hui comme on boit un café le matin, naturellement… Une évidence.
C’est la troisième fois en un mois que je suis qualifié (mais le mot juste serait plutôt « traité ») d’ayatollah.
Alors, Messieurs les "insulteurs", voilà ce que je vous réponds du haut de ma fenêtre minaret, vêtu de mon caleçon Mickey, rasé tout frais et la voix éraillée (n’en déplaise à certains, on n’a pas tous la barbe chez les ayatollahs).
Oui ! Je suis ce que vous dites. Un ayatollah, un casse-c..., un réac, un chiant de torista, un obsessionnel de la technique et de la belle lidia, un drogué du trapío adéquat, un taré de piques (de bonnes piques), un « enculeur de mouches » de l’estocade en place… Un dinosaure en somme.
Je ne le crie pas pendant les corridas, la discrétion m’étreint le plus souvent. Je commence à croire que j’ai tort finalement.
Oui j’en ai assez (et le mot ici est un euphémisme) de voir assassiner des toros de combat qui ont le seul tort d’être braves ou trop (!) encastés. Je suis repu de voir des cornes afeitées terminer en brosse à gratter le dos. Ah ! Erreur ! Veuillez accepter mes excuses, sérénissimes « modernes », on n’emploie plus de nos jours le mot afeitado, hérétique comme moi. Veuillez m’en excuser encore. Je corrige. Je suis repu, donc, de voir des cornes "arregladas" terminer en brosse à gratter le dos. Je suis écoeuré qu’une empresa puisse laisser sortir dans le ruedo des toros visiblement (au sens littéral du mot) malade comme ce 5° Santiago Domecq auquel l’« immense » Castella coupa deux feuilles de chou à Bayonne. Ecoeuré, car cela est insultant pour le toro, pour le succès du maestro et surtout pour moi, stupide payeur, qui n’a pas droit à son callejón ni même à voir gratuitement les bichos dans les corrales. Pourtant, il y a écrit « limpio » sur l’affiche ; mais les abcès poussent très vite chez les Domecq peut-être. Je suis assommé d’assister tous les après-midis à cette parodie de tercio de piques, assommé de constater que l’on n’applaudit plus, actuellement, que le dosage ou le fait de ne pas piquer du tout (corrida-concours d’Aire-sur-l’Adour, Garcigrande de Bayonne, Gallon à Orthez…). Assommé ? Oui, assommé.
« Ras le bol », et passez-moi l’expression, aussi, de ces peones qui gueulent, hyènes dans la savane, pour attiser le feu de cette nouvelle obligation de nos grisâtres sociétés : l’émotion. Donnez-nous de l’émotion, faites nous vibrer… Adages fallacieux.
Oui, je suis éreinté de devoir observer ce toreo profilé que les matadors photocopient à l’envie et se refilent entre eux comme les étudiants, par manque d’argent, photocopient les manuels au programme. Je suis las de voir des paires de testicules exhibées devant des brosses à gratter (arregladas bien-sûr), de ce toreo trémendiste et au plus près qui ne torée pas mais qui « émotionne » nos gentils publics. Comment leur en vouloir à ces gentils publics ? Formés aux tertulias et autres conférences menées par ceux-là mêmes qui organisent, disposent et critiquent. Je ploie sous l’affliction de lire ces reseñas consensuelles, ces papiers bien léchés (parfois) qui ne disent que ce qu’il convient de dire et dissimulent l’essentiel : le toro. Comment peut-on écrire que tel lot de Victorino Martín (qu’il est de bon ton de porter aux nues après ces années de triomphes plus ou moins justifiés) fut grandiose quand aucun des six gris ne s’employa correctement sous le peto ? Qui dira un jour, qui osera coucher sur une feuille blanche que notre chauve « paleto » ne produit plus que des toros de troisième tiers, d’une noblesse piquante et encastée certes, mais chez qui poder et bravoure n’ont qu’une signification bien mince ? Qui dira, parmi les critiques les plus lus (presse taurine régionale, gros site Internet), que le lot de Garcigrande sorti à Bayonne en septembre n’était qu’un nid de pseudo-toros, de trucs à quatre pattes et deux cornes (douteuses pour certaines) n’étant là que pour faire s’ouvrir « les flacons » de la beauté torera et tomber les cartilages ? Qui ? Qui ?
Je n’ai rien contre les « artistes » mais bon dieu qu’on leur mette un vrai outil de travail sous les plis de la muleta. Que sera Morante (et c’est pourtant de lui que j’ai vu les plus belles véroniques de l’année) devant un toro de combat ? Que devient l’énorme aura de Castella hors de ses engagements madrilènes ?
Taxez-moi d’ayatollah si vous le désirez, insultez, méprisez ces « gros cons » qui ne font que râler et ressasser d’horribles antiennes anachroniques. Faites comme ce correspondant radio d’une onde locale à notre cher Sud-Ouest et déclarez que les siffleurs n’y pipent rien et n’ont qu’à sortir s’ils ne sont pas contents. C’est cela aujourd’hui le must : "Tu la fermes ou tu sors !"
Je ne sortirai pas messieurs que j’abhorre. Je vais rester et vous agacer, vous faire grogner même si vous me prenez de haut. Vous tous, ceux qui pour moi sont les vrais ayatollahs car vous imposez une traître vision du toro de combat, car vous ne mettez pas votre science (et vous en avez c’est certain et obligé) dans le sens de la défense d’un spectacle qui pourrait être beau, bien mené et respectueux d’un magnifique animal, car vous mentez par omission ; vous tous donc qui me prenez pour un fou et un réac, je vous montrerai bien le verso de ce qu’il y a sous mon caleçon Mickey.
Sur ce, je vais écouter « Samba triste » de Baden Powell, c’est un peu comme les corridas, magnifique mais souvent triste.