L'instant d'avant… © José 'JotaC' Angulo 2011 |
Un cillement fugace et le regard s'aiguise, le buste se redresse, le bras se relève, lentement.
C'est l'instant de tous les regards quand un œil noir observe, un autre œil noir le suit dans le miroir des sables.
C'est l'instant de tous les déserts, qui assèche les solitudes et affûte les larmes jusqu'à l'oubli.
C'est l'instant de tous les reflets, quand la danse devient macabre, quand la musique s'est tue, quand le vacarme du monde n'est plus qu’évaporé.
C'est l'instant de tous les silences, lorsque la gorge se noue, lorsque l'esprit se fige, lorsque le bras se lève et pointe lentement le fil du temps.
C'est l'instant de tous les instants, lorsqu'il est l'heure de trancher le souffle rouge de la vie qui oscille entre l'avant et l'après… entre l'après et l'avant, inexorablement.
Quand le soleil aveugle, c'est l'instant.
L’œil noir fait face au néant. Matador, il est temps.
À propos de mise à mort, voici un billet d'humeur de Laurent Giner qui complétera la réflexion.
De matador de toros à pegapase via Quito
La ville de Quito (Équateur) a pris une décision sans précédent en interdisant la mise à mort dans ses arènes. Le Portugal avait déjà pris les devants, il y a bien longtemps, mais avec la suppression des picadors.
La belle affaire politique ! Encore un groupe d’élus qui n’a pas le courage de trancher et qui fait dans la demi-mesure afin de satisfaire un peu tout le monde. Garder les toros (je n’ai pas écrit corrida) parce que sans eux, pas de férias, pas de rentrées d’argent, arrêt de l’économie taurine, mais en supprimant la mise à mort afin de faire plaisir à l’électorat protectard. J’adore !
L’Afición, depuis longtemps, a conscience que le premier danger de la corrida est le milieu taurin. Aucun salut n’est à attendre de ses acteurs. Leur vision est sur le court moyen terme. L’émotion et la sensation de danger ont déserté les plazas de toros depuis 15 ans. Les jeunes ne vont plus aux corridas mais au recorte et autres spectacles de rue.
95 % des corridas pourraient se dérouler sans picadors, tellement la faiblesse des toros frise l’invalidité. Comme l’écrit Robert Piles, dans Profession torero, la tauromachie a changé d’une lettre — le V pour le D. Avant, les toreros disaient aux picadors : « ¡Dale! » (donne-lui). Aujourd’hui, ils leur disent : « ¡Vale! » (arrête).
Le mundillo a-t-il analysé et pris conscience de tout cela ? Les taurinos ont laissé mourir la Catalogne, fermé des arènes une à une pour n’avoir en 2011 qu’une seule plaza en activité. Leur incompétence d’analyse sur le long terme et leur manque d’anticipation m’étonneront toujours.
L’histoire de la Catalogne nous aura prouvé que nous ne pouvons laisser la tauromachie être gouvernée et dirigée par le milieu taurin, même si, je ne suis pas dupe, la tauromachie est « un milieu ». L’Afición restera toujours au bord mais elle l’encercle et la finance en passant aux guichets.
Et Quito dans tout ça ?
Les taurinos nous ont montré leur manque d’Afición, et les toreros le peu de valeur qu’ils portent au costume et à la profession de matador de toros.
S’ils veulent être les porte-drapeaux de leur profession, comme ils ont su le faire pour défendre leurs intérêts en créant le G10, il leur faudra plus de pundonor. S’ils veulent retrouver une place dans notre estime, ils devront refuser ce genre de contrat qui bafoue la profession de matador de toros. Il leur faudra renoncer à quelques dollars de plus dans une saison déjà bien rentabilisée. Je m’adresse là à Castella, El Fandi, Ponce, Talavante (tous présents à Quito) parce qu’ils ont le pouvoir de dire non et d’entraîner les autres avec eux.
La défense, la survie de la corrida, son éthique doivent passer par cette intransigeance, à moins que leur penchant pour l’appât du gain ne soit trop fort !
J’espère juste qu’à leur retour sur le vieux continent et dans nos plazas, l’Afición saura se souvenir de leur geste. Il faudra leur rappeler que l’on ne transige pas avec l’honneur des braves et qu’un matador de toros n’est pas qu’un pegapase (celui qui donne des passes). Le troisième tiers est celui de la mort, pas de la muleta.
Laurent Giner