14 mars 2010

¡Madrid se quema!


Jeudi matin, 7h à Barajas, Madrid au masculin n'est plus : un champ de ruines, un tas de biffetons partis en flammes et réduits en cendres. Une bande de métro-sexuels renvoyés à leur prétention et leurs télévisions. Jeudi, je pars le cœur léger, sans l'ombre d'un regret pour tous les torts occasionnés.
Madrid est la Rome de nos sentiments, de notre cœur et de nos tourments : tous nos penchants y mènent, toute ébauche de raison devient prétexte à un voyage. Les toros en fil rouge : Las Ventas en presque bout de ligne deux, rouge aussi, transit de périples salmantins, centre névralgique de Campo, on vient à Madrid pour voir des toros et visiter son tailleur, toréer des vaches et parler toros, boire et manger en parlant toros, parler toros pour parler toros. On débarque à Madrid pour ses environs : ses corridas de banlieue au départ d'Atocha, ses voisines pas dégueu, Aranjuez, Tolède, Ávila, Sigüenza... Madrid pour sa peinture flamande et son temple égyptien, son ange déchu, ses chocolats épais sans heure, et ses grills argentins. Madrid car il faut s'empresser d'y cueillir les coquelicots sévillans mûrs et épicés auxquels on a donné rendez-vous, car on y rencontre dans des palais dansants des hôtesses de l'air Napolitaines vulgaires et démesurées qu'on finit par baiser ; Madrid pour celles qu'on croit tenir et qui vous échappent. Madrid où l'on titube en draguant des filles dans l'urgence du soir et de l'alcool car dès demain votre copine arrive. Madrid où l'on vomit des mélanges dans des éviers, où l'on pisse sur des pavés, où l'on dort des sommeils superflus à 4 dans des hostales d'étage. Madrid pour les vertes et les pas mûres, les 400 coups (série en cours), les bars introuvables et les endroits improbables, Madrid il y a 20 ans ou 10 ans, Madrid aujourd'hui, Madrid en mai et en septembre, mais aussi en mars et en novembre : ce Madrid où l'on ne perd jamais quand Lyon vient y jouer.

Martín : En Madrid, hay gente que es hincha del Madrid, y gente que odia al Madrid. Yo pertenezco a la segunda parte.
Patrick : ¿Eres del Atleti?
Fred : No, Martín es del Betis.
Martín : Sí, ¿y sabes porqué?
Fred : ¡Claro! ¡Porque Curro Romero es del Betis!

Madrid et Martín, Madrid et Bego, Madrid, Joséphine et Ugo. Madrid que les filles jalousent. Madrid pour Leonard Cohen et Dolores Aguirre, le Flamenco, le gras du jambon qui engourdit la langue, les vins en mille coupes, les bières au bar du Tendido 8 où la serveuse garde ma valise. Madrid pour fuir l'anxiété des concours, Madrid par prétexte, par dévotion, par pèlerinage, par jouissance, par fatigue. Madrid par pitié !!!
Le vertige de l'andanada du Bernabéu, le vertige de la qualification : le taconazo de Carew, le maillot noir de Juninho, le but de Pjanic, la faim de maletilla de Lisandro et Delgado. La Mecque de la tauromachie mais aussi Jérusalem du fútbol, le Temple dont on connaît le pilier par lequel tout s'effondre. Madrid dont on ne réchappe pas, qu'on quitte alors qu'on n'en revient toujours pas. Madrid par vanité, par fierté et qu'on affronte effrontément. Madrid où l'on nous enseigne l'humilité : "Sabes que el escalafón de los banderilleros está lleno de toreros que salieron por la Puerta Grande de Las Ventas" : Madrid, Martín et ses paraboles universelles.