A plus forte raison lorsqu’ils jouissent d’une certaine audience auprès d’un lectorat bien en manque d’opinions libres et désintéressées, nos guides autoproclamés nous reprochent en vrac de ne rien comprendre à rien, de diviser une afición qui serait soi-disant, sans nous, une et indivisible, bien sagement organisée en rang d’oignons derrière je ne sais trop quelle banderole (ou plutôt si, je ne sais que trop bien laquelle), de brouiller les ondes en tenant un discours laissant les jeunes aficionados tout désorientés, de jouer le jeu des méchants anti-taurins, j’en passe, et des meilleures.
La réponse à ces deux questions, je vais l’apporter moi-même :
- il a toujours existé des voix s’élevant dans le désert contre les turpitudes du mundillo et de ses sbires, que ces derniers se sont toujours efforcés de faire taire car elle gêne leur petit commerce, et surtout leur renvoie en creux une image d’eux-mêmes qu’ils préfèrent ignorer ;
- nos élucubrations sont totalement dépourvues d’effets sur la marche de la tauromachie, ce dont nous sommes parfaitement conscients, notre but (si tant est que nous en poursuivions un) n’étant pas de militer en faveur de quoi que ce soit, ni de représenter qui que ce soit d’autre que nous-mêmes.
J’ai vraiment du mal à croire que Monsieur Viard pense réellement ce qu’il écrit lorsque, comme dans son édito daté de ce jour, il prétend que la tauromachie est aujourd’hui en crise du seul fait des prophètes de l’Internet — qu’encore une fois il prend le soin de ne pas nommer. Une véritable « crise de fond ». Diable ! je ne nous savais pas si influents sur notre chère et belle corrida.
On a beau essayer de nous ignorer, mais quand on fait de ces fameux prophètes le sujet d’une chronique sur quatre, la crédibilité en prend un coup. Alors quoi, messieurs, qu’est-ce qui vous gêne tant chez nous ? Pourquoi ne pas suivre vous-mêmes le conseil que vous donnez à vos lecteurs : nous ignorer purement et simplement ?
L’édito cité supra nous éclaire sur les raisons profondes de cette acrimonie : « Ce qui rend optimiste malgré tout, est de voir dans le domaine politique les anciens soixante-huitards les plus acharnés être devenus les véritables piliers du système dans lequel ils se sont admirablement fondus. »
Nous y voilà...
Alors soyez rassurés, Monsieur Viard & Consorts, nous ne vous la piquerons pas, votre petite place. Il est très urbain de votre part de vous inquiéter pour nous, mais j’exerce une profession qui fait bien bouillir la marmite, merci, et me permet surtout de payer (cher, certes, mais mes clients sont généreux) mes billets de corrida et mes déplacements au campo sans qu’il soit besoin de me transformer en agence de publicité à la petite semaine des businessmen de la tauromachie pour me les faire offrir. Je vous laisse également les boustifailles diverses et variées, préférant manger gras et bon avec mes vrais amis. Je vous laisse enfin la gloriole des diverses tribunes en haut desquelles certains trouvent une raison d’exister.
Partager des sujets sérieux, ou pas, avec les potes et les lecteurs (qui sont souvent les mêmes), jouir du plaisir d’écrire quand bon me chante sur la passion que je nourris (il y en a d’autres), prendre et partager des photographies du plus bel et envoûtant animal de la Création, voilà mon but. C’est modeste, j’en conviens, mais le petit commerce autour des arènes, les guéguerres de sous-préfectures et de cantons, non, vraiment, même si vous insistez, c’est très aimable à vous, mais non.
Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.
Image Rien à voir avec le propos, si ce n'est que ce veragua de Javier Gallego a une sale gueule et que je l'aime bien © Camposyruedos