16 janvier 2007

Rekagorri, le nom qui a changé ma vie


Lundi 1er janvier 2007

Le téléphone sonne. Au bout du fil, de l’autre coté des Pyrénées, l’ami catalan a l’accentuation délicate et l’humeur parfaite. Six mois que nous ne nous sommes ni vus ni parlés, mais la conversation coule, prolongeant nos derniers mots achevés dans l’émotion traditionnelle des clôtures de Céret de Toros. Cette journée de clôture est assurément la plus triste de l’année, difficile de rebondir après quelques jours irrationnels, mélange de tradition, de valeurs, d'amitié et de Toros sous les couleurs sang et or de la Catalogne endiablée par les sardanes. Quoi de plus beau ?
Sa voix est claire, stable, aucun indice ne me laisse présupposer la terrible nouvelle qu’il tourne depuis quelque jours dans sa tête et qu’il s’apprête à m’exposer. Ce lourd secret, il l’a gardé pour sa personne afin de me permettre de passer de bonnes fêtes, preuve s’il en était de son amitié. Mais il ne peut tenir plus encore ses lèvres, et la sentence tombe : « A Céret, en 2007, corridas de Valverde, Rekagorri et novillada de Zaballos. »

Quelque secondes de silence suivent la nouvelle. Je ne bouge plus, comme assassiné, je tombe dans un gouffre sans fin, la phonétique de « Rekagorri » revenant sans cesse.

Cette nuit-là, j’ai très mal dormi. Comme les suivantes...

Puis la raison revint, si l’ADAC a choisi ces carteles, il y a forcément une bonne raison :
- Valverde : le simple souvenir de 'Jiroso' justifie cette déraison ;
- Zaballos : premier hic. Si les origines et l’élevage intéressent, où est donc la touche d’originalité cérétane. Enfin bon, passons, personne n’est parfait ;
- Rekagorri : incompréhensible !

La confiance en mes amis cérétans est infinie, je cherche donc l’explication. La première qui me vient à l’esprit naît de l’existence d’une seconde origine de la devise. Un sang forcément exotique, jalousement tenu secret mais qui n’a pas résisté aux formidables aficionados fouilleurs de campo de l’ADAC. Soulagé, je m’écris « Ah ! Ils sont forts à l’ADAC ! » Puis les instants qui suivirent me ramenèrent à la raison. Cette seconde branche n’existe que dans ma tête. « Rekagorri, c’est du vulgaire Valdefresno ! » Mais mon optimisme n’a d’égal que mon afición, alors si l’ADAC les a choisis « c’est qu’ils sont Cérétans ces Rekagorri ». Les cornes doivent être terrorifiques et les morrillos semblables à des montagnes. Non ! non ! et non ! Le physique ne peut suffire au risque de transformer nos ruedos en salon de l’agriculture. De plus, j’ai fait de la présentation du toro hors type mon cheval de bataille, je ne peux pas me compromettre, même au profit de mon meilleur ami, de surcroît lorsqu’aucune épice généalogique n’agrémente la sauce.

Je peux argumenter sans peur, les Vaz Monteiro, les bichos de Luis Terrón ou de La Bomba, mais ceux de Rekagorri j’en suis incapable. Je ne retournerai pas le couteau dans la plaie en remémorant le comportement du sobrero sorti dans le ruedo céretan l’année passée ni le novillo sorti dans le ruedo vicois un peu plus tôt. Je laisse ces tourments à ma mémoire et mes désormais cauchemars quotidiens. L’ADAC est morte ? Telle est la question qui me hante. La nuit dernière je me suis réveillé en sursaut, je manifestais en compagnie de mes amis les plus chers, devant la porte des arènes au moment de la corrida présupposée au son de « Avant, à Céret, il y avait des toros ! »

Mes amis, s’il vous plaît, redonnez-moi mes nuits et ne taguez pas vos affiches. Il est encore temps, l’impression n’est pas faite !