Des bienfaits du pienso !
Bigre, ça a dû en étonner plus d'un. J'imagine même que certains en ont eu le cheveu hirsute, ou même, la perruque en frisettes. Quel toupet ! Oser évoquer, sur un site dédié à la défense du toro de combat, les possibles "bienfaits" du pienso, fallait le faire.
Pour ceux qui ne seraient pas encore bien informés, le site http://www.terredetoros.com/ vient de lancer une série d'articles menés par l'"Association des vétérinaires taurins français". Comme vous l'aurez compris, le premier "opus", comme dirait l'autre, s'intéresse aux "bienfaits du pienso" chez le toro de combat. Le texte est signé Hubert Compan (vice-président de l’AVTF) et permet de mieux comprendre les obligations alimentaires auxquelles sont tenus, à l'heure actuelle, les ganaderos. A une époque où l’on confond souvent poids et trapío, quand quelques plazas présentent encore d’adipeux mastodontes aux relents sirupeux, le sujet peut paraître sensible voire fâcheux pour nos croyances trop souvent figées.
Non, le toro n’est pas un produit naturel, encore moins l’incarnation d’une fanstasmagorie 100% « bio » ; il n’est rien d’autre qu’un animal forgé, et parfois, buriné par l’Homme. Le toro, « œuvre humaine » écrivait Tío Pepe ! C’est on ne peut plus vrai s’agissant de son alimentation, c’est en tout cas ce que tend à démontrer Hubert Compan dans un texte didactique, pédagogique et éclairé du sceau de la connaissance scientifique. "[…] Lorsque l’objectif est de vendre des novillos ou des toros de 4 ans bien « présentés », et qui seront visités dès l’hiver par des acheteurs éventuels, le pienso sera toujours nécessaire et les toros de la camada devront passer d’un système extensif à un système semi-intensif voire intensif […]". Pour qui visite parfois des ganaderías, il est en effet rare de découvrir les toros de saca dans d’immenses étendues verdoyantes. Les cercados, plus ou moins vastes, sont déjà leur sas de préparation au départ.
"Le pienso sert à augmenter la concentration énergétique et protéinique de la ration pour accélérer la croissance squelettique et musculaire…". En résumé, on les engraisse pour qu’ils atteignent le tamaño adéquat. Ça peut paraître absurde mais la réalité est celle-ci et M. Compan fait bien la différence entre les graisses "intra musculaires" et nécessaires pour les efforts livrés pendant le combat et ces graisses néfastes de "couverture" qui peuvent donner au bicho un aspect acochinado. "Un toro de 4 ans sans pienso, c’est le risque de présenter un toro avec un fort développement squelettique, maigre, hors du type, avec des risques de grande faiblesse et parfois d’une mobilité difficile à contrôler." Le travail du ganadero est donc de trouver le juste équilibre pour que le pienso ne devienne pas l’outil de fabrication d’un lard surabondant. Question de dosage et de composition du pienso ! A ce sujet, le vétérinaire fait remarquer "qu’il n’y a pas de formules spécifiques à la race brave" et que "les nutritionnistes spécialisés appliquent des normes classiques pour bovins d’élevages ou d’engraissement." Comment ne pas le regretter ? Comment ne pas pointer du doigt cette lacune évidente dans la recherche d’un meilleur animal de combat. Même pour un néophyte, il saute aux yeux qu’un pupille de Victorino ou de Guardiola ne ressemble aucunement à un charolais ou à un bazadais. Et même si M. Compan relève les progrès accomplis par les ganaderos pour composer un pienso de plus en plus en phase avec l’animal de combat qu’ils élèvent, il apparaît nécessaire voire urgent que certains domaines de la recherche agroalimentaire se penche sur l’élaboration d’aliments bien propres au toro de combat. A priori, l’INRA et l’AVTF ont engagé un travail dans ce sens, espérons seulement qu’il porte ses fruits et fasse des émules. Déjà, en 1973, Marc Roumengou faisait le même constat dans son ouvrage Les chutes des taureaux de combat et écrivait que "les besoins alimentaires spécifiques des bêtes de combat n’ont jamais été étudiés…" 1973 ! L’évolution sera donc lente en ce domaine.
Enfin, si le pienso est une question de composition et de dosage (ce que démontre très bien Hubert Compan), il est aussi question de temps car "commencer à donner ces aliments complémentaires quelques huit ou dix mois avant que l’animal ne soit envoyé vers une arène est bien ; en revanche, ne le faire que deux ou trois mois avant l’embarquement est mauvais car le délai dont dispose le taureau pour adapter la flore du rumen est insuffisant et développer les masses musculaires en si peu de temps impossible" (in Marc Roumengou, Les Chutes des taureaux de combat, 1973).
Finalement, et surtout, rendons hommage à l'initiative entreprise par l'enrichissant site Terre de toros et par l'AVTF et contenons notre impatience de lire le prochain "opus" qui s'intéressera aux effets que peuvent avoir la consanguinité et les abus du pienso sur l'encornure des toros de combat. Vite !
A tous ceux qui auraient des questions à poser aux vétérinaires taurins français, le site Terre de toros invite les aficonados à les contacter à l'adresse suivante : opinion@terredetoros.com. N'hésitez pas, ce genre de démarche est tellement rare.