26 octobre 2012

Xavier Klein répond à l'ANDA


Il y a quelques jours, Xavier Klein nous a envoyé ce courrier en réponse à la lettre de l'ANDA que nous avions publiée ici même.


« Chers amis ANDAristes,

Je n’évoquerai pas l’heureuse surprise de votre intervention quand, à l’heure des bouleversements et des mutations, la voix de l’ANDA serait plus que jamais indispensable pour faire pièce aux dérives, pour dénoncer la décadence d’un art où l’éthique cède sans cesse aux intérêts à court terme.

Je ne me prononcerai pas non plus sur le fond de votre épître : nous partageons la même préoccupation, la même volonté de soutenir et de valoriser un premier tercio en déshérence, la même conviction que la pique constitue la pierre de touche de la conservation d’un toro de lidia digne de ce nom, que ce n’est pas l’outil qui est en cause mais l’objectif et la manière de s’en servir.

En revanche, ce qui me questionne c’est que vous puissiez encore vous illusionner sur le rôle et la fonction de l’UVTF, qui ne représente plus de facto qu’un vulgaire syndicat d’intérêts.

Comment pourrait-il en être autrement lorsque sa structure même et ses modalités de fonctionnement favorisent outrageusement une sur-représentation des grandes plazas qui, toutes, de droit, siègent dans ses instances dirigeantes et veillent attentivement à la défense de leurs intérêts bien compris ?

Comment ne pas s’aviser que l’objectif de ces “majors” est de faire des bénéfices, quand celui de la majorité des humbles est de ne pas créer de déficits trop criants, que la problématique des premières est celle des dépenses, alors que pour les secondes c’est celle des recettes ?

Comment ne pas prendre acte du retrait de Nîmes, de la création d’un “G7” qui vient entériner la vacuité et l’impuissance structurelles de la maison mère ?

Comment attendre d’élus, peu ou pas concernés, peu ou pas informés, peu ou pas impliqués, qu’ils s’investissent, y compris en s’aventurant sur des terrains minés ? Car ces élus des villes taurines sont soit majoritairement découplés de réalités gérées sur le terrain par des associations (Céret, Vic-Fezensac, Parentis, etc.), soit ils se trouvent confrontés dans leurs instances politiques municipales à des oppositions, à des compromis paralysants qui ne cesseront de s’accroître.

Comment ne pas s’indigner de la place croissante qu’ont pris dans les débats de ces dernières années des officines, des lobbies, au point qu’on y déroule le tapis rouge devant telle cuadra, tel représentant de l’ONCT (dont l’UVTF est elle-même membre…), telle instance socio-professionnelle qui viennent y parader ou y défendre leur bout de gras ?

Comment ne pas admettre que la seule action significative de l’UVTF depuis belle lurette n’a été que de défendre la cause taurine au Conseil constitutionnel ?

Par circonspection excessive, par passivité, par veulerie, par impéritie, pour ménager la chèvre aficionada et le chou financier, l’UVTF, qui n’a jamais été à la pointe de la témérité, de l’innovation ou de l’efficience, en est parvenue à l’état de “grand cadavre qui respire”.

Si l’électro-encéphalogramme n’est pas complètement plat, peu s’en faut.

Et voilà l’objet principal de mon propos : faut-il s’en navrer ?

Car une UVTF opérante serait peut-être aussi une UVTF qui, par un rapport de forces défavorable, consacrerait des évolutions qui ne seraient nullement souhaitables. Ce qui obligerait les membres qui ne s’y soumettraient pas à s’en exclure. Quid d’une pique Bonijol imposée à la majorité ?

L’anarchie actuelle, si elle n’est pas satisfaisante, non seulement n’empêche rien, y compris le pire, mais autorise tout, y compris le meilleur !

D’ailleurs, cette disparité n’est-elle pas déjà le lot de la “mère-patrie” où désormais les réglementations sont décidées par des collectivités territoriales (d’où la pique andalouse !) ?

En fin d’analyses, que peut vous importer que dans tel ruedo de “tauromachie champagne” — que d’ailleurs vous ne fréquentez guère — on utilisât la pique Bonijol, la pique andalouse ou la guatémaltèque ? Surtout pour l’usage virtuel qu’on en fait ?

Il m’apparaît, au contraire, que les progrès intéressants qui sont enregistrés çà et là procèdent d’arènes militantes, soutenues activement par l’Afición, et qu’ils font tache d’huile. Dans le Sud-Ouest, on a vu des cosos comme Dax, Bayonne ou Mont-de-Marsan se mettrent ponctuellement au diapason avec certains lots de toros. C’est là, il faut s’en convaincre, la voie à suivre d’une évolution par le bas et la base et non par le haut et des instances qui, de tous temps, se sont adaptées aux mutations mais ne les ont que rarement initiées.

D’une certaine manière, le dur combat que vous avez mené de longue date est déjà remporté.

D’un point de vue éthique, bon an, mal an, la tauromachie en France se porte globalement mieux, se montre plus vigoureuse, dynamique et inventive qu’elle ne l’était il y a dix ou quinze ans. Hormis les “G7istes” (à l’exclusion de Vic, dont on se demande ce qu’elle fait dans cette galère !), considérons le nombre réjouissant de plazas petites et moyennes qui se centrent sur des ganaderías encastées et se préoccupent de la présentation et de l’intégrité du bétail : c’est sans commune mesure avec le passé.

Enfin, il ne faudrait pas que votre légitime préoccupation efface des motifs d’inquiétude autrement plus prioritaires pour les empresas qui se vouent à la tauromachie que nous défendons : la raréfaction de la ressource par la disparition de ganaderías d’encastes rares ; la difficulté croissante de trouver des lidiadores aptes à les affronter — notamment dans le cercle des novilleros —, le vieillissement de l’Afición et l’abandon des arènes par les classes populaires.

Par delà, ne faut-il pas prendre acte et conscience de la fracture profonde — qui devient un abîme — entre deux conceptions de la tauromachies qui, si elles pouvaient coexister quand demeuraient des exigences minimales, deviennent maintenant inconciliables voire antagonistes.

Votre légitime intervention me semble venir trop tard ou tomber à côté du sujet. Les enjeux ne sont plus là, pas plus que les moyens d’action.

Peut-on demander à un grabataire de monter au créneau ?

Avec mes amitiés et ma considération. »

Xavier Klein
Maire adjoint & représentant de la ville d'Orthez à l’UVTF


Photographie Toro de Veiga Teixeira, Orthez 2012 © Laurent Larrieu/Campos y Ruedos