10 octobre 2009

Eloge du pétard

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Inutile d’éloigner les enfants, ou d’appeler Brice. Ce n’est pas de marijuana ou de shit que je vais vous entretenir. Notez bien que le sujet envisagé, Julio Aparicio, n’a rien de très politiquement correct. Vous allez voir. Le gros avantage, c’est qu’à Camposyruedos, le politiquement correct…
Julio Aparicio donc. Julio Aparicio est inconstant. Julio Aparicio est fragile et hors du temps. Julio Aparicio n’a rien du gendre idéal. Julio Aparicio est rare. Il l’a toujours été, ça n’est pas une nouveauté.
A le voir souffler comme un phoque après trois véroniques et la demie, on devine aisément que Julito n’a rien d’un sportif, et de quels plaisirs sa vie fut jalonnée. Peut-être que l’impression est fausse. Peut-être pas.
Au bout du compte Julio Aparicio est un peu has been. Ca, c’est nouveau. Mais c’est normal. Ce sont juste les effets du temps qui passe. Personne n’y échappe.
Julio Aparicio n’aura pas eu la carrière d’un Curro Romero, ou l’aura d’un Rafael de Paula. Il n’empêche que Julio Aparicio porte en lui, aujourd’hui encore, quelque chose de rare et d’assez indéfinissable. Quelque chose qui oscillerait entre la toreria et la filouterie. Avec peut-être un penchant plus affirmé pour la seconde. Je dois vous confesser que cela me le rend sympathique.
Sur Curro et Rafael, le Tio Pepe nous a laissé son inoubliable « ils n’ont jamais triché ».
Julio Aparicio, aujourd’hui, ne triche pas, ne se force pas à faire semblant. Le voudrait-il qu’il n’en a, de toute façon, pas les moyens. Peu importe. La question n’est pas là. La question est de savoir ce que le toreo est en train de devenir.
Car si la bravoure est devenue moderne (sic) le toreo lui est devenu vertical, sur le fil de la corne, hacia fuera pour commencer, encimista pour finir. Le toreo moderne touche, paraît-il, à la perfection, c'est-à-dire, si j’ai bien tout suivi, à la répétition.
Dans ces conditions : vive l’imperfection ! Car alors, peut-être que ce sont cette perfection technique et cet aspect répétitif qui me rendent ce toreo dénué de toute émotion, qui me le font trouver sans profondeur aucune. Je ne saurais dire.
Le toreo moderne est répétitif, jamais sublime, jamais génial, simplement égal à lui-même, morne et répétitif.
De son côté, le public moderne n’admet plus guère autre chose. Même à Madrid, le week dernier, le comportement du respectable fut ahurissant. Car le plus gros pétard du week-end, ça n’est pas Aparicio qui l’a pégué, ça n’est pas non plus Victorino, c’est le public.
Un public triomphaliste et clinquant le samedi, un public qui fut à deux doigts de ne pas se rendre compte des immenses mérites de Diego Urdiales le dimanche. Une peine.
Un public madrilène méconnaissable, à la dérive, inconstant et sans critères. Ici aussi l’évolution fait des ravages.
Ici comme ailleurs, et parfois où on ne l’imagine pas. Tenez, un ami, très bon aficionado, nous a raconté qu’à Séville, le week-end précédent, pendant que nous étions à Barcelone, le public avait demandé le changement d’un toro... pour mansedumbre ! Oui Monsieur, pour mansedumbre, et à Séville ! No me lo creo.
Revenons à Madrid. Samedi dernier, après deux petardos consécutifs, Julito Aparicio se gonfle, se cambre, plie son capote et s’avance vers le sixième toro de la course pour un quite salvateur. Dans le langage taurin cela porte un nom : le quite del perdón.
Le quite del perdón, il faut remonter à Fernando El Gallo, le père de Rafael le chauve, pour l’expliquer.
Le quite del perdón d’Aparicio au sixième aurait provoqué il y a encore peu ce fameux run run de hall de gare si caractéristique de Las Ventas. Ce run run qui annonce l’éruption du volcan venteño, prêt à rugir et exploser, rauque et puissant, comparable à nul autre. Hélas, pas de run run samedi dernier. Juste une bronca méchante et aigrie, nourrie d’incompréhension. ¡Vaya petardo! Vous en conviendrez, tous les pétards n’ont pas la même saveur.