13 septembre 2009

Au fer rouge


Sur le point de mettre bas, la mère s’est mise à l’écart au fond du pré sous des arbrisseaux, là où l’air frais du Tage caresse la peau, effleure les naseaux, fait trembler les roseaux. À la fraîche, le petit mâle est sorti. Quelques heures ou jours plus tard, un vacher choisira le moment opportun pour lui « agrafer » deux boucles d’identification (crotales en espagnol), une à chaque oreille. Des boucles de plastique orangé qu’il portera — a priori moins d’une année — jusqu’à l’herradero où elles lui seront retirées... mais soigneusement conservées. Et à « Monte Adema », c’est peu dire que les jeunes Palha le sentent passer leur baptème du feu ! Pas moins de sept marques au fer rouge leur seront apposées sur le cuir du flanc droit. Sept, pas une de plus, pas une de moins.

Sur le cuir de cette paroi de chair et d’os qu’est le flanc droit d’un Palha, on y déchiffre — tout un programme :
en bas à gauche, sur le « gîte à la noix », le P surmonté de sa croix, le fer de la ganadería ;
au-dessus, à la pointe du « rumsteak », le U de la Unión de criadores de toros de lidia ;
en bas à droite, sur le « jumeau à bifteck », le dernier chiffre de l’année ganadera, le guarismo ;
en haut à droite, sur le « collier », un autre P, sans sa croix celui-là, le fer de l’Associação portuguesa de criadores de toiros de lide, enfin,
en haut au milieu, sur le « faux-filet » et la « côte », un nombre à trois chiffres. Pas un, pas deux, trois. Pourquoi trois ? Parce que si l’on en croît l’aficionado Luis Miguel Parrado, du blog Los caminos del toro1 — et pourquoi ne le croirait-on pas ? —, Palha marque(rait) ses toros des trois derniers chiffres du numéro d’identification de l’animal inscrit sur la boucle2.

Voilà, je n’irai pas jusqu’à laisser entendre que ces multiples brûlures au fer rouge puissent avoir un quelconque lien avec la bravoure, la force ou bien encore le poder... D’ailleurs, s’il est vrai qu’en braves et en bons Palha ‘Camarito’ et ses frères de la San Isidro arboraient leurs sept marques, ‘Clavel Blanco’ et ‘Diano’, deux grands braves parmi les braves, n’en affichaient quant à eux que cinq et quatre.

Sept sillons crayeux comme autant de mystérieux graffitis, sept larges traces aux contours imparfaits, sept imposants tatouages en guise de signes distinctifs, sept cicatrices renforçant l’impression de sérieux émanant des redoutables et ténébreux guerriers portugais de Palha.

1 Post né de l’interrogation de Manon au sujet des numéros des Palha — les deux posts affichant la même date.
2 Au Portugal, le n° d’identification proprement dit comporte six chiffres : petits, les deux premiers se situent au-dessus du code barre et les quatre gros derniers en-dessous — ce semental de Palha (© David Cordero) porte(rait) donc, en toute logique, le n° 650. En Espagne, le n° d’identification en compte huit : quatre petits au-dessus du code barre et quatre gros en-dessous. En France, dix : six petits au-dessus et quatre gros où vous savez. Source : ministerio de Medio ambiente y medio rural y marino.

Images 642, le n° d’‘Atormentado’, lidié le 27 mai 2009 à Las Ventas, et la légende de cette superbe photographie de © Juan ‘Manon’ Pelegrín Y’a pas à dire, de ce Palha au campo, il se dégage un je ne sais quoi de rustique et de sauvage. Un je ne sais quoi qui fascine et nous fait remonter loin, très loin, très très loin dans le temps © Francisco Romeiras, avec l’aimable autorisation des Amigos de Palha.