17 mai 2011

Question d'équilibre


La nuit porte conseil... et c'est vrai. Et plus il y en a, mieux c'est. Surtout après une lourde tempête. Ça aide à comprendre les choses, ça aide à prendre le recul nécessaire, ça aide à admettre certaines évidences, même celles qui piquent un peu, parfois... Ça aide à dire pardon, ça aide à dire je t'aime, ça aide à se regarder dans la glace, après... Ça aide à légitimer certains combats, certains actes, certaines convictions... en tous cas, à les rendre respectables...
Du coup, quand l'action encore fraîche d'une nomination de la corrida au patrimoine culturel immatériel fut trompêtée, tous en choeur avons balancé du teston en la qualifiant d'un peu fluette, maigrichonne, peut-être même un peu conne, compte tenu du mal bien réel et autrement plus néfaste qui bousille les entrailles de la tauromachie, malade de « modernitude », alors qu'elle n'aurait pas à souffrir d'être simplement « actuelle », ou juste contemporaine. Car on ne sait que trop bien ce que le joli sobriquet « moderne » signifie réellement, à savoir ce dont on a trop souvent disserté par ici, et que vous ne savez que trop bien par là. Passons...

Ceci, je le revendique encore et toujours, haut et fort, soyez-en sûrs, et j'attends impatiemment que l'on m'annonce que l'OCT, dans son héroïque chevauchée dite historique, a aussi inscrit le pata blanca Vega-Villar au Patrimoine mondial de l'UNESCO, comme énième Merveille du monde, devant les Pyramides de Gizeh et définitivement loin derrière le cul de ma douce ! Mais enfin, je vous le demande, doit-on finalement s'en plaindre ou le dénoncer ? Je veux dire, ne faire QUE s'en plaindre ou le dénoncer ? Car après tout, qui aurait pu prévoir qu'un petit 44 posé sur un gros beuchigue lunaire et poussiéreux aurait suffi pour que l'on expédie dans les étoiles, 40 piges plus tard, quelques fortunés yuppies ricains, juste pour le « fun », comme ça, comme on s'envoie une caisse de buzet à l'apéro devant des arènes gersoises de juin ?... Ainsi, l'on peut raisonnablement continuer à songer, comme je le fais, que le mal soigné n'est certes pas le plus viral, mais en même temps, un mal soigné n'est plus un mal, et, au fond, brûlons plutôt un cierge pour que cela ne soit qu'un début...

Par ailleurs, voilà bien une paye que nous n'avons trouvé soulagement auprès d'une arène de par « chez nous » en France, à l'annonce de ses festivités taurines, quand elle égrainait péniblement ses carteles « Tagada Haribo » aux oreilles fragiles d'une triomphaliste assemblée en chemisette Hawaï, jamais rassasiée des bouffonneries parfumées de ce définitivement jeune branleur de Julián López... et je m'en voudrais à jamais de ne pas souligner ici-même, à l'endroit précis où tant de pains lui furent portés aux naseaux, l'effort produit par l'arène de Dax qui inspire d'ordinaire tant de dépit et d'incompréhension auprès d'une frange de l'Afición, parfois juste l'Afición, parce que jamais incitée à chérir ses tendidos. Car figurez-vous que, cette année, je déflagre pour Dolores Aguirre, là j'explose pour Ana Romero, plus loin je souris pour Victorino et, enfin, je détone pour La Quinta, et ceci dans l'arène la mieux fleurie de France : celle-là même qui créa 'Desgarbado' ! L'auriez-vous cru? Cela, je crois, manquait d'être souligné. Après ça, l'on peut bien s'accorder un Pilar par-ci ou un Victoriano del Río par-là car, après tout, on n'a jamais demandé aux Dacquois d'être cérétans. Mais s'il est légitime de s'indigner de la médiocrité, il est aussi indispensable d'évoquer le pas en avant... même pitchoun, même frileux, même involontaire... N'empêche que, sur la papier, Dax a meilleure gueule en 2011.
On pourra toujours se dire qu'il en aura fallu du temps, de l'abnégation, de velues gueulantes, de longs courriers désespérés qui ont, probablement, plus allumés de barbecues que de consciences, et des SMS au tabasco pour obtenir ça, juste ça ; toujours est-il que les gestes en faveur d'une tauromachie respectable par tous se font plus rares que les franciscains sur le posto 9 d'Ipanema, et qu'il serait donc malhonnête de ne pas les reconnaître, encore plus de ne pas les saluer. Que cela plaise ou non, je le fais maintenant.
Pour autant, on le sait, le mal respire encore, et l'on ne retiendra au final que les résultats ; mais il serait ô combien salutaire de ne pas oublier de souligner ces faits, même infimes, même anodins, quand, à l'heure même où l'on évoque la corrida comme un souvenir à paillettes de valeurs anachroniques dépassées par les enjeux épouvantables d'un probable futur monde « sin vergüenza », l'on brasse laborieusement comme des terre-neuve au milieu d'un lac noir et glacial pour à peine espérer sortir nos tronches de l'eau . Ainsi, quand on ouvrira le grand livre poussiéreux, il sera toujours opportun de se souvenir qu'en 2011, l'OCT, bien imparfaite, a malgré tout marqué un point, et que Dax, patrie de 'Desgarbado', s'est rappelée, cette année-là, qu'elle avait de l'afición a los toros.

Et si ce n'est que du Ana Romero, c'est quand même du Ana Romero...

Photographie Alguaciles de Dax