Le rangement a du bon. On redécouvre parfois des "trésors" souffreteux de poussière.
La tauromachie a toujours inspiré la littérature, ou tout le moins l'écrit.
En 1955, André Montagard a écrit ce recueil de poèmes dédiés à la corrida, La fiesta du sang. Jeunesse oblige peut-être, je ne connaissais pas André Montagard, "ni una línea de su vida".
Français, nous devons beaucoup à ce M. Montagard André. D'après mes recherches, il fut un auteur de chansons, poète à ses heures. Nous lui devons beaucoup car au moins deux de ses chansons font aujourd'hui partie de nos "lieux de mémoire" comme l'écrit Pierre Nora.
La première est une ballade aux accents d'un pittoresque Sud-Est, un hymne au sport le plus vénéré du côté de l'antique Phocée, Une partie de pétanque. Chanson interprétée par l'immense M. Brassens et composée en 1941, déjà.
Plus surprenant, André Montagard (a priori il s'agirait du même) est l'auteur des paroles d'un autre hymne, aujourd'hui désuet et de sombre mémoire, le célèbre Maréchal, nous voilà. De Brassens à Pétain ou inversement, le grand écart était de mise dans les années quarante. D'ailleurs, cette chanson entonnée par tous les petits enfants français qui grandissaient sous l'ombre de Vichy, n'est pas à proprement parler une création puisqu'elle n'est que la réadaptation d'un tube des années trente vantant le Tour de France cycliste, Voilà le Tour qui passe.
Bref, M. Montagard fut également un aficionado, un poète sensible aux charmes des toros. Ce recueil en témoigne. Ses poésies n'ont pas marqué le monde littéraire, loin s'en faut, mais tout le monde n'est pas García Lorca et puis le principal est de participer...
Naïves, pompeuses et alambiquées, elle donne une image héroïque de la corrida, différente de celle qu'en a pu nous transmettre Montherland qui teintait cet héroïsme d'une virilité absente de ces rimes.
Le poète s'intéresse à tous les tercios et au côté spectaculaire et pittoresque du spectacle taurin : "le taureau", "le brindis", "pieuse visite" (sur les vierges protectrices), " la mort du taureau... du matador". Tout y est ou presque, l'image d'Epinal si l'on veut.
Et voici ce que répond le taureau "à ceux qui le plaignent de mourir dans l'arène" :
"Je suis le roi puissant de la lande sauvage
Mon sourd mugissement fait courber les roseaux
Et sur le sol rugueux que mon sabot ravage
L'herbe s'enflamme au feu de mes naseaux"
Ou diable ! Je veux le même dimanche dans l'arène !
Mais M. Montagard est un sensible, je l'ai déjà dit. Il ne peut souffrir l'atroce spectacle de ce cheval offert au fauve qu'est le toro (le livre date de 1955, le peto existait depuis quelques lustres) :
"Car j'ai toujours l'effroi de le voir succomber,
Je sais que sa présence est pourtant nécessaire,
Mais je frémis d'horreur lorsqu'il vient à tomber,
Et de compassion vraiment mon coeur se serre"
Ne jugeons pas pourtant ces gentillets poèmes, dédicacés à M. Paul Ricard et achevés d'imprimer "sur les presses des DISTILLERIES RICARD" le 8 décembre 1955... Ça doit aider !
Le recueil s'achève sur ces mots, car la corrida est un spectacle de la mort :
"Tout le cirque est sans voix, mais se dressant soudain
Dans le suprême effort d'une âme résolue,
Il regarde le fauve et dit, levant la main,
"Je meurs ! Tu m'as vaincu, Toro, je te salue !"
Arrghhh...
N.B. : les illustrations de ce recueil sont signées Henry Couve.