25 septembre 2013

Si t’es pas content, va à Béziers !


Tous les grands penseurs actuels de la tauromachie s’accordent sur un point : ces dernières années, la corrida a beaucoup changé. Certains voient dans cette évolution un mal devenu incurable, d’autres se raccrochent aux branches et, au gré du vent qui souffle sur le phare, dénoncent ceux-là mêmes qu’ils défendaient encore hier, et le reste n’a de toute façon aucune idée sur la question tout occupés qu’ils sont à recopier Mundotoro sur leur site internet, ou à pleurer face aux inconséquences des antis en vadrouille dans les Landes cet été. Bref ! La corrida a changé, et ces dernières années ont vu l’apparition et/ou l’affirmation de certains phénomènes et pratiques tels que les fundas, les arreglados, qui ont réglé leur compte à l’afeitado, les toreros qui communiquent sur leur capacité à choisir eux-mêmes les élevages qu’ils seront amenés à combattre, les empresas qui placardent une affiche sur laquelle, moins d’un mois avant l’événement, la mention « ganadería à désigner » tient lieu et place d’un nom d’élevage, les empresas, encore (la même que la précédente, en l’occurrence), qui, dans un livre, sont capables de balancer qu’elles ne touchèrent aucun bénéfice de la Très Sainte Corrida du 16 septembre 2012 (pas celle de Céret !). La liste est longue, malheureusement, et vient même de s’agrandir… Ainsi, tout le monde a pu constater, ces derniers lustres, la place grandissante qu’occupait l’indulto dans le cœur du public de corrida. On « indulte » pour un oui, pour un non ; sur les gradins, plus personne ne voit rouge, mais bien plus sûrement orange. Dans cette mode de la vie rendue, il convient aujourd’hui de rendre hommage aux arènes de Béziers, qui ont, cet été, poussé la pratique jusque dans ses derniers retranchements, si l’on ose écrire.

Août 2013 : Sébastien Castella est annoncé en solo à Béziers (original, ces derniers temps, les solos et mano a mano !) devant six toros de six ganaderías différentes. Parmi celles-ci, ressort le nom de Victorino Martín, que le public n’a pas coutume de voir combattre par le héros local. Ceux qui recopient Mundotoro parlent de « geste », les autres ne pipent mot, car il faut du courage pour assister à la féria de Béziers, et ils savent déjà qu’ils n’iront pas. Début août (la corrida étant prévue le 16), dans un communiqué de presse, le matador déclarait : « J’avais choisi un toro de Victorino Martín, magnifique, dont l’éleveur m’avait montré les notes, lesquelles offraient beaucoup de garantie. Malheureusement, il est mort au campo. »

Mince alors ! Et comme il est de notoriété publique que Victorino possède une camada très courte, il fut impossible de choisir un autre toro chez lui, et le matador, soutenu par l’empresa, on imagine, s’en alla chez Zalduendo trouver la perle rare.

En vérité, ô lecteur, en vérité… le toro de Victorino Martín prévu pour ce jour-là n’est pas mort et il gambade aujourd’hui même dans son campo de « Las Tiesas » ! Béziers a donc franchi le stade ultime de l’indulto : gracier un toro sans même l’avoir fait sortir en piste, sans même l’avoir embarqué ! Trop forts, à Béziers !

Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons dévoiler l’identité de nos informateurs et que, n’étant pas journalistes, comme ceux qui recopient Mundotoro, nous n’avons pas fait le voyage en Estrémadure pour aller caresser le ressuscité, que l’on tient, paraît-il, très loin des appareils photo. Manquerait plus qu’on érige une cathédrale !