Tout a été écrit sur Prieto de la Cal. Si tant est qu’il se puisse écrire tout sur un quelconque sujet.
Les derniers Veragua (idée certainement fausse), le pelage jabonero, le trapío de brute, le pectoral gonflé, l’œil peu amène du gangster en cavale.
Entrer chez Prieto de la Cal à "La Ruiza", c’est pénétrer un musée, et de la ganadería, et de la dévotion d’une famille à une époque dont l’Espagne actuelle tente de panser les plaies. Ici, il n’est nul besoin d’être agrégé d’histoire pour prendre tout de suite le pouls de l’atmosphère des lieux. Tomás Prieto de la Cal était ganadero à neuf ans et reste séducteur à quarante. Son passé et sa vie sont accrochés au mur du grand salon ou posés sur les imposants meubles de bois sculpté, le tout disposé de-ci de-là comme dans un livre sans index. Pour qui sait lire donc, Papa était Tomás Prieto de la Cal, proche de Franco, et maman était dieu dissimulé sous les traits certainement plein de charme d’une jeune fille de "bonne" et "grande" famille qui a réussi, durant ses années de veuvage, à maintenir debout à la fois l’élevage (pourtant voué à l’index par les figurettes actuelles) et cette coiffure parfaitement et remarquablement géniale. Ici, comme chez tant d’autres ganaderos dont les grands salons sont emplis de portraits solennels, la nostalgie d’un pan de l’histoire de l’Espagne est palpable (1939-1975). C’est d’ailleurs toujours un exercice intellectuellement et culturellement troublant que de se rendre dans ces maisons où le roi avait sa table, où chassait le Caudillo, où la couleur rouge n’était autorisée que comme teinte des muletas lors des tientas.
— Tenez, dans ce lit a dormi Franco !
Tomás Prieto de la Cal est un homme fort sympathique et qu’on dirait sorti de vacances perpétuelles tant son bronzage paraît parfait et travaillé. Il vit à "La Ruiza" et non pas à Séville. Il garde donc un œil constant sur ses toros de derrière une paire de lunettes de soleil plus noires encore que le regard perçant et fier de son fils, Tomás Prieto de la Cal hijo, troisième génération. Tomás Prieto de la Cal (padre donc) est partout accompagné de sa mère, marquise ou comtesse ou duchesse de Soanes, qui ajoute à son élégance clinquante la classe de la discrétion au profit d’un fils qu’elle adore d’un regard vif et lumineux. La marquise de Soanes regarde dans la même direction que Tomás Prieto de la Cal. Elle regarde vers les toros de Prieto de la Cal qui sont à la cabaña brava ce que les berrendos en negro apajerados sont au toro de lidia actuel : le souvenir d’un lointain passé. Mais dans la famille, il semblerait que l’on soit devenu expert dans la survivance du souvenir. Alors les combats à venir ne font pas peur, ni à Tomás ni à sa maman, même si, dans l’actuelle "guerre civile" qui déchire le campo bravo, il n’est pas certain que cette fois-ci, et malheureusement, les Prieto de la Cal se trouvent du bon côté.
>>> Retrouvez sur le site www.camposyruedos.com deux galeries consacrées à la ganadería de Tomás Prieto de la Cal, rubrique CAMPOS.
Photographie Un toro de Prieto de la Cal pour 2011 © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com
Photographie Un toro de Prieto de la Cal pour 2011 © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com