23 juillet 2013

Le règlement


Almassora est un village de Castellón, et qui dit Castellón dit bous al carrer, évidemment. Juste en guise de rappel, le bous al carrer est une fête taurine populaire dont une des modalités consiste en un lâcher de taureaux de combat au beau milieu du village pour le simple divertissement des autochtones et des gens de passage. Un truc sans importance, une tradition tauromachique populaire, locale et primitive.

Figurez-vous que ce village compte à peu près une quarantaine de peñas taurines dévouées aux bous al carrer. Pour ces peñas, un des moments forts de l’année a lieu, au mois d’octobre, lors de la célébration des fêtes de la Virgen del Rosario. Une excuse pour lâcher une bonne quinzaine de toros pendant une semaine de fête. Un truc de sauvages, une barbarie je vous dis.

Toutes ces petites peñas se regroupent au sein de l’Association des peñas taurines d’Almassora, qui garantit le bon déroulement et la correcte organisation des fêtes. Rien d’étonnant ni de très original, me direz-vous. Sauf que cette association a un règlement plutôt particulier qui veille à la bonne présentation du roi de la fête : le toro. L’article de journal que vous pouvez lire ici explique que diverses peñas s’exposent à une sanction pour avoir exhibé des toros laids lors des fêtes qui se sont déroulées en octobre 2012. Le toro ‘Tonadillero’, de Jacinto Ortega, acquis par la peña All i Oli, avait le défaut de ne pas avoir de queue. On reproche à ‘Romperejas’, de Rocío de la Cámara, qui fut acheté par six peñas, d’être plus petit que ce que la photographie du cartel ne semble présager. Quant à ‘Albertito’, exemplaire de Torremilla, de la peña El Porrat, il n’a pas convaincu le jury du comité des fêtes, qui n’a pas donné d’autres explications que sa médiocre présentation dans un cartel taurin aussi important.

Selon le règlement, les peñas qui exhibent un toro mal présenté sont sanctionnées sans pouvoir lâcher de toro pendant une année. Si elles récidivent, elles seront écartées deux ans de suite sans pouvoir montrer leur toro. À la troisième sanction, elles seront définitivement exclues et ne pourront plus acquérir d’animal. 

Quand vous faites partie d’une peña d’Almassora et que vous économisez tous vos petits sous pendant une année pour vous payer un toro à prix d’or dans un élevage important du sud de l’Espagne, vous avez intérêt à le regarder sous toutes les coutures, votre toro. Parce qu’on se fout pas de la gueule de la vierge du Rosario, à Almassora, ni de ses habitants ni de leur afición. C’est comme ça, c’est le règlement.

Pour vous donner un exemple concret, le genre de toro que l’on voit sur la photographie qui ouvre ce post ne serait pas sorti dans les rues d’Almassora. Il aurait fait honte à sa peña, à son éleveur, à l’organisation et aux aficionados. Ce genre de toros, on n’en veut même pas dans les rues, avec ou sans règlement. Et si, par hasard, le règlement permet de sortir ce genre d’animal dans des arènes garantes de l’intégrité du toro, eh bien il est préférable de le changer, ou de le faire sauter, ledit règlement.


Photographie ‘Churrero’, toro n° 40 de D. José Escolar Gil, sorti le 14 juillet 2013 dans les arènes de Céret — Florent Lucas