23 janvier 2013

Bilbo’quet


Autant les annonces des figuras concernant Séville polluent passablement la Toile taurine en ce moment et tout le monde semble se délecter de savoir si El Juli prendra les Miura de Séville, si le Victorino de Manzana sera gris, si Morante aura les cheveux plus courts en début de temporada — si, si, certains commentateurs taurins, pas les meilleurs certes, voire même les pires, se sont presque offusqués de la coupe dégingandée du torero de La Puebla del Río —, autant l’absence des Cuadri à Bilbao, qui se confirme ces jours-ci, n’a pas l’air d’émouvoir les sites de petites annonces taurines.

Et pourtant la noticia me paraît plus inquiétante que de savoir si Julián López tuera la course de «Zahariche» en avril. Ainsi, le fait que la Junta de Bilbao ait écarté les astados de «Comeuñas» devrait en inquiéter plus d’un sur les défaillances de l’organisation bilbaína depuis quelques années. La Bilbao qui fait encore mousser certains toristas enchaîne les programmations décevantes, et l’on cherche de plus en plus dans ses annonces de carteles ce piment qui pourrait attirer l’aficionado. Depuis des années, les mêmes noms de ganaderías se succèdent sur les bords du Nervíon : Fuente Ymbro, Alcurrucén, El Ventorrillo, Torrestrella, Victorino Martín, de temps en temps La Quinta et parfois Miura. 

En 2013, la venue des toros de Cuadri pouvait laisser espérer un renouveau, fût-il concentré sur cette seule course. Cuadri est actuellement l’élevage le plus intéressant de la cabaña brava, sortant régulièrement des toros de catégorie. Les dernières courses madrilènes en témoignent sans déni possible. Les voir fouler le sable — de moins en moins gris, malheureusement — de Vista Alegre était la promesse d’une course de toros digne de ce nom en un lieu qui incarne — faut-il utiliser le passé ? — au plus près l’essence de ce que l’on peut attendre d’un taureau de combat de première catégorie.

Las, les Cuadri restent à Trigueros. C’eût été l’occasion, peut-être, de proposer cette course à El Juli. Car, ne nous leurrons pas, nombre d’aficionados feraient finalement la route pour assister au combat d’un technicien de la catégorie d’El Juli face à la caste lourde des Cuadri des grands jours. En revanche, j’ai le sentiment qu’ils seront bien moins nombreux à venir observer son savoir face à un lot de Miura dont on connaît aujourd’hui la baisse de forme — même si avec cet élevage les surprises peuvent être nombreuses. Ce que les «entendus» de la chose taurine nomment «geste» fait sourire. Sans être un «taliban», comme il est de coutume maintenant de surnommer la «frange dure» des aficionados — cela ne veut rien dire mais celui qui l’écrit a l’impression d’avoir fait œuvre d’analyse approfondie de la situation de l’Afición actuelle, et les suiveurs ignares (ils sont nombreux) reprennent de concert —, il n’est pas interdit de penser que les gestes proposés par ces «figuras» relèvent plus de l’anecdote que de l’écriture de l’histoire taurine.

En 2013, faire un geste revient à affronter ou Miura ou Victorino. En 2013, dans une grande féria, la partie torista est occupée majoritairement par Miura ou Victorino et, parfois, c’est vrai, par Fuente Ymbro (warf !). La porte a été légèrement entrouverte, en particulier en France, à Escolar Gil, mais au-delà, rien, comme si tous les autres élevages n’existaient pas. Or, en 2013, des toreros comme El Juli ou Manzanares nous enchanteraient s’ils se mettaient au cartel (dans une grande arène) face à des Cuadri, des Dolores Aguirre, des Adolfo Martín, des Escolar Gil, aussi, des Palha, des Cebada Gago de cinq ans, des Murteira Grave, des Veiga Teixeira, des Moreno de Silva. Tous ces élevages sont marqués par l’irrégularité, certes, mais ces dernières années, ils ont aussi prouvé qu’ils étaient capables de tous fournir des toros ou des novillos très «encastés», parfois même très braves. 

Dommage pour Bilbao et pour El Juli, et pour les autres. Ils n’ont certes pas besoin de cela ; et puis affronter les Miura permet de se trouver des excuses faciles : «ils étaient intoréables», «ils ne baissaient pas la tête»… «Vous savez, ce sont les Miura, c’est comme ça.»

Nonobstant, croisons sincèrement les doigts pour qu’une grande arène française prenne rapidement contact avec la maison Cuadri pour récupérer ce lot… Sait-on jamais, certaines n’ont pas encore bouclé leurs choix…