14 novembre 2006

Pitos, palmas et des histoires de rasage... Le palmarès 2006 de l'ANDA


L’hiver s’annonce sans trop le dire, les journées raccourcissent et la saison est bel et bien achevée. Tout le monde y va de son « best of » 2006, on fait les comptes, on analyse (j’exagère) et on décerne à tout va, comme autrefois on semait le blé, à la volée. Les clubs taurins sont en émulation, les « critiques » callejonistes du Sud-Est et du Sud-Ouest tentent de nous faire avaler qu’ils sont critiques et sérieux, et, personnellement, je m’assieds sur tout ce cirque dérisoire et obscène. Obscène car le toro meurt chaque jour un peu plus. Le toro brave et de combat s’entend. Hier encore, j’avais vingt ans…non ! Hier encore, oui hier, le patron de l’équipe de foot de Jerez a acheté la part d’indivision des Domecq en déclarant qu’il ne pipait pas une sourate (référence à un article précédent... faut suivre ici) aux bestiaux de combat. J’attends ce jour d’apothéose cynique où LVMH mettra la main sur Miura. Bah !
Dans ce méli-mélo de couronnements (Castella est un roi en fin de saison), de remise de médailles toquées, l’ANDA , la râleuse ANDA, souffle la brise des matins tristes et froids, grisâtres mais piquants. L’ANDA se bat contre les moulins de l’abject depuis des années et « crie » sans fin dans ce silence non sonore de l’afición défunte. Elle a raison l’ANDA, elle doit continuer et vivre. L’afición est morte, vive l’ANDA.
Son palmarès 2006 sera comme les autres, apprécié par si peu, « torche-cul » pour beaucoup. C’est malheureux mais c’est ainsi.
Evidemment qu’il est critiquable. Donner son avis, droit dans le lard, ça peut faire grincer des dents ou même abîmer des hémorroïdes (faut suivre je vous disais). Critiquable oui, donc, mais dans les grandes lignes tout-à-fait en adéquation avec ce que pense une infime, infime, infime partie des passionnés de toros.

N’ayant pas assisté à toutes les courses de la saison, il me sera compliqué d’apporter un œil juste sur ces récompenses et mises au pilori. Cependant, à mon sens, le prix au meilleur lot de toros est le moins justifié. Le lot de Charro de Llen (et Ignacio Charro – c’est pareil !) de Vic-Fezensac 2006 n’a pas été un lot digne d’être primé. Si 'Velonero' fut un grand toro qui, lui, pouvait être invité à tous les défilés d’anciens combattants épinglés à plus soif, le reste de l’encierro fut loin de satisfaire les attentes des aficionados. Lot dépareillé de présentation (avec un truc croisé d’éléphant et de girafe pour Lescarret), il ne montra en définitive qu’un moral bien moyen au cours de la lidia. La seule chose que l’on peut lui accorder réside dans une certaine puissance (en particulier et surtout lors du tercio de piques) qui fait tant défaut à d’autres ganaderías aujourd’hui. La mobilité fut lourde et la bravoure confondue parfois avec le poder déjà cité. Le prix aurait-il dû resté desierto ? C’est mon avis au regard des courses données dans le Sud-Ouest et auxquelles j’ai eu la (mal)chance d’assister. Je me dis toutefois qu’il vaut mieux récompenser ce style de toros poderosos et spectaculaires, bien qu’incomplets, qui donnent encore un sens au mot lidia que ces outres quadrupètes qui déambulent pépère comme les vieux trains soviétiques.

L’égoïne, la râpe et la lime, « prix » étendards de l’ANDA pour nombre d’aficionados, auraient pu tout aussi bien aller vers d’autres élevages. J’imagine l’embarras des membres de l’ANDA au moment de délibérer. Casse-tête pour sûr.
- « P’tain, mais on va le filer à qui ça ?
- C’est vrai, y’en a tellement qui le méritent ! »
Messieurs (et dames) de l’ANDA, n’y voyez ni sarcasme ni mauvais esprit, mais vous vous êtes montrés injustes en ce cas précis. Je l’écrivais précédemment, j’ai conscience de l’immense difficulté actuelle de cette tâche, mais votre palmarès « soin de beauté » manque cruellement d’équité. Vous écartez tant de prétendants à une gloire certaine que j’ai mal pour eux. Pour ce que j’ai pu voir cet été, je n’ose me faire une idée de ce que ressent, par exemple, le Conde de Mayalde (récompensé par les « critiques » du Sud-Ouest pour son lot de novillos d’août à Dax). Il avait pourtant mis les bouchées doubles en septembre avec ses colorados qui sentaient si fort l’aftershave qu’on aurait dit un rassemblement de jeunes à peine post pubères à l’entrée d’une boîte de nuit. Il vous en voudra j’en suis persuadé !
Donner les pitos aux organisateurs qui pleurent comme des mioches à cause d’un moucheron qui fait voir bleu est caustique et bien vu. Il est évident que la corrida vit en ce moment en surchauffe et que le nombre de spectacles est bien trop élevé. C’était cependant vrai avant l’épisode langue bleue. On pond des corridas aux quatre coins des terres du Sud, des novilladas fantoches prennent le relais de montages douteux, la saison débute en février et s’achève en octobre, más o menos. Le choix est-il réduit ? Faux. Re-faux. Ce qui est réduit, c’est l’esprit d’investigation des organisateurs. Certes, certains sont tenus par de grosses empresas espagnoles qui leur refourguent quelques rebuts (ça se passe en particulier quelque part dans les Landes) en passant. Comment d’ailleurs en serait-il autrement quand ceux qui siègent dans ces commissions taurines ne doivent leur place qu’à un copinage (politique ou autre) nauséabond et non pas à leur « science » taurine ? Comment pourrait-il en être autrement ? Les autres, ceux qui peuvent encore choisir un peu sont contraints de remplir les gradins et donc de présenter des élevages auxquels adhèrent figuras et impresarios de figuras pour que ceux-ci attirent un public qui ne sait même pas l’origine des bêtes combattues et qui s’en contrecarre les arrières, soyons réalistes. Ceux qui cherchent et qui trouvent ont choisi un credo minimaliste du point de vue des bénéfices : le toro. Vic (un peu – exemple des Valdellán), Céret, Parentis, j’en oublie certainement. Ceux-là peuvent faire l’impasse et opérer une œuvre d’investigation, leur public suit, bon an mal an. Néanmoins, et malgré toutes les contraintes d’organisation, il convient de montrer du doigt tous les autres qui continuent de programmer des Mercedes Pérez Tabernero, des Montalvo, Daniel Ruiz Yagüe, Garcigrande, etc., toutes ces infamies du Campo Charro et d’ailleurs. Pressions ou pas, ils savent que c’est nul et qu’il existe d’autres ganaderías, moins connues, mais plus valeureuses. Pitos donc à tous ces zozos de l’organisation et pito maximus, évidemment, évidemment, à l’organisation des corridas nîmoises. Honte à M. Casas, honte à cette commission taurine extra-municipale de Nîmes qui a permis à M. João Folque de Mendoça de répéter ses toros en France malgré le véto de l’UVTF (dont on connaît tout le poids...). Quand on se prétend aficionado, comment peut-on en arriver à cet abysse dans le non-respect des publics et surtout des toros ? Programmer les Palha, c’était quand même faire un bras d’honneur à la notion d’intégrité des toros, au fondement même de la tauromachie. Celle-ci ne mourra que de cela d’ailleurs, du mépris affiché par ceux qui sont dans le système et non pas des actions de groupuscules d’anti-taurins (même s’il ne faut pas réduire leurs actions à des pécadilles, j’en ai conscience). La CTEM de Nîmes (où siège tout de même un ancien chroniqueur de la revue Toros !) est la honte de tous ceux qui vont aux toros en se saignant les quatre veines pour se payer un instant de leur passion. Elle est le paradigme du vulgaire et de l’incompétence, toute tournée vers son astre illusionniste qu’est le directeur des arènes. Je ne reviendrai pas ici sur la question de la présentation des toros à Nîmes (je vous renvoie au texte de Thomas Thuriès dans ce même blog) mais la situation de la cité gardoise devrait être sérieusement étudiée par les Madrilènes qui pour certains appellent de tous leurs vœux la venue de « Simounet » à la tête de la Catedra de Las Ventas. Bon courage les gars !
C’est donc tout cela que m’inspire le palmarès bien senti de l’ANDA. Tristesse et colère. Une colère qui me fait penser également qu’une catégorie de ce monde des toros a été injustement oubliée par l’association (même si le président de l’ANDA évoque cela dans son édito) dans la rubrique « pitos », j’ai nommé la « critique » taurine. Indigne elle aussi de se prévaloir de ce titre aujourd’hui usurpé. A part Toros (et pas tous dans la revue malheureusement), qui peut se prévaloir de cette fonction de critique ? Personne. « Waterloo, morne plaine » comme écrivait l’ « enfermé » de Guernesey. Ce sont toujours les mêmes qui polluent de leurs gentillesses qui les journaux régionaux, qui les émissions de radio, qui certains papelards se revendiquant tauromachiques, qui les tertulias consensuelles et odieuses pour les fous de toros. Cette pseudo « critique » pourfend de ses silences et de sa complaisance le sens même de la tauromachie. Maintenant qu’André-Marc Dubos s’est tu avec la disparition de Tendido, que Merchan se fait de plus en plus discret, que reste-il ? Rien ma bonne dame ! RIEN ! C’est peut-être d’Internet et de gars passionnés et désintéressés (et pour parler de mon cas : qui en aucun cas ne veulent prendre la place, en callejón ou ailleurs, des autres car l’indépendance n’a pas ce prix minable) que viendra le sursaut. On peut rêver.
Achevons et félicitons l’ANDA d’avoir donner au vétérinaire Adolfo Rodríguez Montesinos sa « plume d’aigle » 2006 pour l’ensemble de son œuvre. Qui d’autre de toute façon cette année ? Sérieusement ?

La photo de la pique de 'Velonero' est de Christophe Moratello (merci à lui). Vous pouvez retrouver ses photos sur son site : http://christophe.moratello.free.fr/.

Le site de l'ANDA : http://anda.aficionados.free.fr/ & le lien vers le palmarès 2006 : http://anda.aficionados.free.fr/Palmares.html.