17 novembre 2010

Rien à cyrer !



Hier soir, la nuit était froide et dans ce froid déjà le drame s’annonçait. Hier soir, Camposyruedos a vécu un drame. De ces drames qui font que la vie n’est plus qu’incertitudes, que la pluie n’a plus en elle que cette irritante humidité glaciale dénuée de poésie et que le pain du dîner est bien trop sec au petit déjeuner le lendemain matin. Hier soir, au son lointain de dégénérés vaguement imitateurs de Michael Jackson, j’ai été censuré ! Camposyruedos m’a censuré ! Sans cyrconstances atténuantes. J’ai été censuré. Il a fait beaucoup plus froid tout à coup et la nuit m’est apparue soudain sous les atours cruels du Cronos (ou Saturne) de Goya. J’ai été censuré.
Après le choc, je me suis dit que ce n’était pas cyrieux. J’ai été voir. C’était cyrieux et j’en restais totalement et profondément cyrconspect. Avec un "c" à la fin cyrconspect. Mon post avait disparu de l’écran et même de la base de données du blog. Je devais en convenir, j’avais été censuré.
Jamais depuis 5 ans je n’aurais pensé, fut-ce seulement une seconde, que la censure était possible sur Camposyruedos. Non jamais.
Il y eut bien certaines fois au cours desquelles nous dûmes cyrconscrire les commentaires de ce blog dans des limites acceptables au regard des voies légales qui sont pourtant très pénétrables mais, vous en conviendrez, les cyrconstances l’exigeaient. Certains d’ailleurs s’en émurent et s’en émeuvent toujours, déversant leur aigreur maladive dans une prose râpeuse de vierge effarouchée à laquelle un taquin de son âge aurait relevé la jupette d’écolière. Il ne s’agissait finalement pas de censure au sens stricto sensu du terme mais bien plus de mesure de salubrité publique. C’était pourtant sans rancune de notre part.
Non, jamais je n’aurais imaginé que la censure puisse avoir cours sur CyR.
Ceci n’empêchait pas évidemment chacun d’entre nous de pratiquer de son côté l’exercice ô combien difficile et frustrant de l’autocensure. Que de mots ne furent biffés d’un trait sec de plume noire, que de lignes ne subirent le sacrifice du feu, que d’idées ne connurent un courtcyrcuitage pur, simple et sans appel sur l’autel du "restons zen" et du "vas-y mollo, lolo". À titre d’exemple, et en ce qui me concerne, je me rappelle m’être interdit d’écrire que l’ONCT ne servait strictement plus à rien (si tant est qu’il ait servi un jour). Je me le suis interdit car je ne voulais pas être de ceux-là ; de ces hérauts malotrus porteurs d’une propagande nauséabonde menée contre l’exceptionnel travail de défense de la tauromachie du Président de l’ONCT, qui devait (il est toujours là) partir vite avant d’écrire tout et son contraire (et surtout son contraire) dans une mélopée souvent indigne et parfois diffamatoire (cf. ses écrits publiés dans sa revue dans lesquels il citait des propos qu’aurait tenu le président de la commission taurine d’Orthez sur les honoraires éventuels que cette plaza était prête à donner au maestro Frascuelo).
Pas plus tard que demain, je sais que je vais m’autocensurer pour ne pas écrire que les leçons de démocratie jetées à la figure de la Catalogne par certains sont pitoyables au regard du soutien de ces mêmes (presque tous) à la supposée légitimité d’une personne déblatérant ses "vérités" au nom de l’Afición française à des politiques espagnols ayant d’autres chats à fouetter en ces temps troubles de crise de civilisation (ah ! la crise !). Je ne vais pas écrire demain que je conchie ces discours rassembleurs pour sauver la corrida, leur corrida sans fond et sans toros. Je ne vais pas écrire que cette corrida qu’il porte aux nues et jusqu’à l’UNESCO peut bien mourir bientôt, noyée à la Culture, vidée au campo par des éleveurs de bovins anémiés (bonjour M. Núñez Benjumea culpa) et dépecée aux arènes par une mafia gominée. Je ne vais pas écrire que défendre cette corrida-là est un contresens ontologique. Je ne vais pas écrire que ce que je lis tous les jours dans les médias taurins est une daube indigeste de bons sentiments mobilisateurs, de jugements sentencieux et de conneries (il s’agit bien de cela) sans fin quand en plus s’y mêlent les relents d’opinions politiques d’éditorialistes à deux balles et 2000 toros.
Oui à l’autocensure et surtout chez les autres, puissent-ils s’y complaire pleinement et enfin... s’autointerdire !
Bref, Camposyruedos m’a censuré hier soir quand le froid était là et que les cyrrus menaçaient. J’ai longtemps ruminé mon effroi en feuilletant un numéro de Femina dans lequel l’on s’interrogeait sur le pour ou le contre de la philosophie à la maternelle. La nuit porte conseil, dit-on, et ce matin ma décision est prise.
Rien a cyrer d’avoir été censuré, mon post je vous le remets tel quel, comme ça et paf, le post ! Allez-y pour voir Messieurs les cyriens, essayez donc de me l’enlever celui-là !

Photographie Chez Paloma Sánchez-Rico de Terrones.